Les chroniques de JPM à la chope

Rencontre avec « Les Vaginites »

Publié le 4 juillet 2020 à 12:55

Je m’inquiétais de la santé de Günther qui ne flatulait plus depuis trois jours. Accoudé au bar de La Chope en lisant Clebs-Magazine, j’attendais Audrey et Stéphanie Chamot, de la Compagnie Faut le faire pour un interview des deux frangines sur leur lecture musicale de textes de Caryl Férey et leur dernier spectacle Western. Elles avaient de grandes gueules, je les entendrai arriver. C’est alors que je reçus une tape monstrueuse dans le dos, un choc à cracher ses dents. « JP, commande-moi un coca, parce que je me suis pris une cuite hier » me dit Audrey. Elle ajouta : « Stéphanie bosse. Alors, j’ai ramené Corinne Masiero. On va te parler des Vaginites ! »

C’est drôle comme il y a des gens et des mots qui bouleversent l’ambiance d’un lieu. Surtout quand Corinne rajouta : « Les vaginites, ça gratte ! » J’ai regardé les clients qui se marraient en me promettant qui si l’un d’eux osait dire « bonjour capitaine Marleau », je lui filerai la garde du chien pour partir en vacances à Vierzon. Mais tout le monde s’est tu, faisant l’air de rien. J’avais deux grandes gigues devant moi, hilares, plutôt contentes d’être là. Je n’allais pas faire répéter à Corinne son CV archiconnu. Quant à Audrey, elle avait grandi dans le Gers dans une école alternative « à l’esprit communautaire, avec beaucoup d’art. J’y faisais aussi du théâtre. Je détestais, mais un an après, j’étais passionnée. J’ai arrêté l’école en 3ème pour renter dans une école de théâtre à Toulouse », me dit-elle. « Ça sert à rien des écoles de théâtre, dit Corinne, faut apprendre sur le tas ! Moi, je viens de la rue, du Collectif Organum. Je me sers tous les jours de cette expérience. » Elles ont alors discuté entre elles, comme si je n’existais pas. C’était limite humiliant devant Samir.

Alors j’ai gueulé : « C’est quoi les Vaginites ? » « Les Vaginites, ça gratte ! » me dirent-elle en cœur. Elles étaient épuisantes ! « Putain, les filles, faites un effort ! » « C’est de l’Opér-Art Brut » dit Audrey ; « de l’électro gynécologique » dit Corinne. Elle rajouta : « C’est une lecture spectacle que l’on a écrit durant le confinement. On sort de résidence à la Rose des Vents. C’est un spectacle sur des paroles de femmes, des témoignages venus entre autres des actrices du film Les Invisibles ou des textes de Dominique Manet. » On rentrait dans le vif du sujet.

« Ce sera un spectacle qu’avec des meufs, au plateau, en technique, en régie. Ce sera le 15 janvier à la Maison folie de Wazemmes. » « On devrait être tous féministes » rajouta Audrey, qui reprenait un deuxième coca. « Les textes sont trash mais on les décale avec de la musique Funky, dansante, comme pour dire que l’on est tous complices. Rage again the machiste ! » Ça rigolait plus. « Toutes les femmes ont été victimes, ou connaissent des femmes qui ont été victimes. Mais attention, on ne dit pas qu’il n’y a que des gentilles femmes et de méchants hommes » précisa Corinne. « Je ne dis pas non plus que c’est un spectacle politique.

Tout est politique. Ouvrir sa gueule, c’est politique. La fermer, c’est aussi politique. La parole des femmes n’est pas assez entendue. Mais on pourrait remplacer “femme” par “noir”, “gros”, “handicapé”, c’est pareil. On n’entend pas les minorités qui ont comme point commun les agressions. C’est un problème universel. Nous, on veut que les gens se remettent en question par rapport à cela. » On a parlé une heure, sans être forcément d’accord sur tout, et c’était bien. « Un dernier mot, les Vaginites ? » « Continuons le combat, car la vie est une dure lutte ! » dirent-elles le poing levé. Les filles parties, Samir me demanda : « Elles sont toujours comme ça ? »« Oui,que je lui dis,et c’est tant mieux. » « Prout » fit Günther en guise d’hommage. Tout allait bien.