Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Marie Suel, autrice

Publié le 29 décembre 2021 à 17:03

Il sentait bon, le thé à la Bergamote de Marie. « Il aurait fait beau, j’aurais pris un Spritz » me dit-elle en souriant. Car elle souriait toujours, respirant la joie, mot qui reviendra régulièrement durant l’entretien. Native d’Isbergues, elle ne s’identifiait pas comme une habitante des Hauts-de France, « contrairement à mon père, Lucien, auteur lui aussi, qui a des liens fort avec la région ». C’est dans la musique qu’elle fit ses premières armes sur les planches avec le groupe Gomm. Mais j’ai vite compris que Marie ne voulait pas vraiment me parler de son passé, mais de son travail, de son écriture, de son rapport au monde. Elle vivait avant tout pleinement le présent et voulait partager sa fierté de voir jouer son texte Respirer (douze fois). Sa surprise même. « La création me manquait. J’avais créé Gomm, puis j’ai ensuite enseigné le théâtre. J’ai pris une année sabbatique, et j’ai écrit ce texte, la rencontre d’un enfant et un vieille homme, comment ils vont renter en relation. Je voulais aussi parler des peurs. À l’époque, le climat n’était pas insouciant, contrairement à ce que j’ai vécu. » Tout comme son parcours fait d’évidences, de chemins qu’elle avait suivi avec confiance, ouvrant tout naturellement les portes qui s’ouvraient à elle, elle avait écrit ce texte de la même façon, tout en poésie et humour, avec l’intuition propre aux artistes. « Ce texte a été écrit pendant une année de formation. Je devais écrire un mémoire sur la processus de création. J’ai dû garder toutes les versions du texte. Je me suis alors rendue compte que j’écrivais pour mon grand-père mort un an avant. Je faisais mon deuil. » Je voyais que son thé refroidissait. Je ne disais rien, profitant de son enthousiasme, comme une leçon de vie. « Ce texte est universel. À sa lecture devant le public, j’ai vu les adultes se reconnecter à leur propre enfance ou se mettre dans le rôle de la personne plus âgée. Ce texte ne m’appartient plus. » Elle se remémora le jour où l’auteur Fabrice Melquiot lui avait conseillé de « prendre un poinçon et piquer les mots de trop ». « Pour moi, c’était plus de l’élagage, rendre le texte plus brut, le plus authentique. » Elle revenait alors sur la chanson, comme si l’énergie de la scène lui manquait. « Entre la chanson et le texte de théâtre, il y a cette idée de mélodie. Il faut que ça sonne. Il y a la recherche de simplicité, l’épure. Dans une chanson, on va droit au but, comme un haïku. C’est pareil pour le texte de théâtre. » C’est sans doute ce qui a séduit la compagnie du Créac’h et Stéphanie Cliquennois qui mettra en scène le texte en janvier au Théâtre de la verrière à Lille. Interprété par Adeline-Fleur Baude et Jean-Maximilien Sobocinski, Marie a composé les chansons du spectacle en collaboration avec Guillaume Marien. Ils viennent d’ailleurs d’enregistrer des reprises de Gomm, « avec joie, sans pression, pour le plaisir ». Le texte sera également mis en scène au Portugal par Patrice Douchet la saison prochaine. Lui demandant ce qu’était « la joie », Marie me répondit : « C’est une vibration. » Je comprenais alors pourquoi j’avais passé un bon moment en sa compagnie. Son thé avait refroidi depuis longtemps.

Respirer (douze fois), du 6 au 8 janvier, au Théâtre de la verrière, 28, rue Alphonse-Mercier, à Lille. Tarif : de 6 à 14 €. Infos et réservations : verriere.org / 09 52 23 35 63. Pour en savoir plus : lacompagnieducreach.fr.