Un campement de fortune traversé par les vents et la froidure, planté au milieu de nulle part aux confins du grand nord ; c’est celui d’une mission de géologues (électroniquement bien équipés) expédiés là par une firme multinationale afin d’y fracturer le sol terrestre en quête de « terres rares » Le cyber-opéra du même nom, terres rares, nous relate l’histoire tragiquement moderne d’une équipe de trois scientifiques flanqués d’un cyborg (robot dont l’intelligence se révèlera moins artificielle qu’on ne l’imagine) embarqués dans une aventure à hauts risques dont les enjeux environnementaux et géopolitiques hautement stratégiques les dépassent et leur échappent.
Fractures
Comme si cela ne suffisait pas nos trois humains, une cheffe de mission (Maryvette Lair, soprano), un scientifique (Denis Mignien, ténor), un ingénieur (Romain Dayez, baryton) se jouent l’air bien connu du triangle amoureux ajoutant à la fracture terrestre évoquée précédemment une fracture sentimentale tout aussi dévastatrice. En effet, nos trois aventuriers finiront par sombrer dans les failles qu’ils ont provoquées ; seul le cyborg (Magali Bilbao) en réchappera et en profitera pour apporter son éclairage sur les rapports de notre humanité à elle-même et à la nature. Simultanément nous parviennent (voix hors champ d’Anne Alvaro et Jacques Bonnafé) les enquêtes et hypothèses de deux intelligences artificielles mandatées illico-presto par une compagnie d’assurance en vue de démêler le pourquoi et le comment de ce fiasco. Cet opéra du futur est dû à l’inventivité de Vincent Tholomé pour le livret, Laurent Durupt pour la composition musicale et Thierry Poquet (initiateur du projet) pour la mise en scène.
Prouesses acrobatiques
Quatre instrumentistes présents à l’avant-scène (Emma Landarrabilco flûtiste, Anne Mousserion violoncelliste, Vincent Martin percussionniste, Trami Nguyen pianiste) déploient en continuo un riche tissu musical parfois heurté, hachuré, sorte de fil d’Ariane dans le dédale contrarié des évènements. Les trois comédiens -chanteurs usent avec une singulière présence d’un parler-chanté très représentatif de la personnalité de chacun sur un texte qui marie le langage scientifique pointu aux interjections et apostrophes les plus terre à terre qui soient donnant à l’ensemble une tournure parfois burlesque. Les prouesses acrobatiques du cyborg et de la cheffe de mission illustrant leur vertigineuse chute dans les abymes ajoutent un piquant visuel inattendu et bienvenu. Si le propos est parfois un peu difficile à suivre et si l’affaire traine quelque peu en longueur dans sa dernière partie, la partition musicale et vocale se révèle passionnante avec quelques très beaux duos et trios à la clef Une belle découverte pour les 500 lycéens et collégiens qui assistaient, intrigués, étonnés et réceptifs en avant-première à cet opéra du futur.
- Terres rares : Cyber opéra créé au Grand Sud à Lille ; conception et mise en scène Thierry Poquet Cie Eolie songe.
