Éditions Futuropolis, 168 pages, 21€
La grande balade de Petros de Dimitri Mastoros et Angeliki Darlasi

Une célébration de la liberté reconquise, à hauteur d’enfant

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 26 août 2022 à 17:02

Athènes 1940. Le jour où les troupes de Mussolini attaquent la Grèce, Petros un garçon de neuf ans est tout chagrin, le grillon qu’il avait apprivoisé est mort. Il lui reste sa tortue mais il a peu d’entrain, ni envie de faire ses devoirs de classe. Entre son copain Sotiris et sa sœur Antigone qu’il accompagne au cinéma, Petros s’invente une réalité nourrie des exploits des héros mythiques, de ce qu’il voit dans son quartier et de ce qu’il retient des propos des adultes. Regard à la fois empreint de naïveté enfantine et de révolte face à l’occupation allemande, les troupes italiennes n’étant pas parvenues à vaincre les Grecs.

L’action est sœur du rêve

1940-1944, quatre années de guerre. Le vécu quotidien de ce quartier d’Athènes... Recherche permanente de nourriture surtout lors de la terrible famine de l’hiver 1940-41, soupe populaire, jets de tracts le dimanche à l’église, référence à une société secrète diffusant l’idéal révolutionnaire au cours de la guerre d’Indépendance de 1830, perquisitions faites par des fascistes grecs, chasse aux résistants, avis de recherche de Michalis pour sabotage et reproduction de la gravure de l’artiste Tassos concernant l’exécution de 200 résistants et prisonniers communistes le 1er mai 1944 en représailles de l’attentat contre un général allemand, menace qui pèse sur l’amie juive d’Antigone, rafles, répression des manifestations...

Les journées de Petros en compagnie de Sotiris sont épiques : jets de clous sur la chaussée, inscriptions sur les murs (Nous avons faim et en lettres capitales reltih tupak, anagramme à lire de droite à gauche)... D’où cet aspect d’une Histoire d’une gravité enjouée, pétrie de tendresse et d’humour, mais si le regard pétille parfois plein d’espoir, des plaies restent à vif. Lors de la mort de la grand-mère de Sotiris, Petros, se souvenant d’un livre qu’il a lu, Le prince au cœur de pierre, avoue que notre cœur est devenu tout dur, tout froid.

Adaptation fidèle d’un livre culte en Grèce publié en 1971, roman pour la jeunesse d’Aki Zei qui a participé à la lutte contre l’occupant, cet album restitue parfaitement l’ambiance d’enténèbrement de ces quatre années à l’aide de camaïeux délicats de teinte sépia allant de variations de brun jusqu’au translucide, un lavis rendu impeccable, dilué en dégradés d’intensité, surtout pour les scènes de clair-obscur. Par contre, celles des rêves de Petros surgissent en traits extrêmement fins sur fond blanc. Ainsi somptueusement travaillé, le dessin vit, réaliste ou onirique, libérant une multitude d’émotions, débusquant des trésors d’humanité et des désirs de liberté.