© Claudine Hugo
Hommage

Une femme engagée

Arlette Renard, une comédienne proche du peuple

par PAUL K’ROS
Publié le 23 décembre 2022 à 07:59 Mise à jour le 6 février 2023

La comédienne Arlette Renard, notre amie, nous a quittés ce 12 décembre 2022. Elle était née le 17 novembre 1930 à Roubaix.

Femme du nord populaire dont elle était fière, Arlette disait avec malice : «  Je suis une comédienne qui sait aussi manier ‘’la wassingue’’, je suis fille de ‘’bistrots’’. » Ses parents tenaient un café-tabac-billard dans le quartier ouvrier de la rue L’hommelet à Roubaix, Son père qui est aussi violoniste à l’Opéra de Lille comprend et encourage le désir de sa fille d’être comédienne. Arlette rentre au Conservatoire de Roubaix à 15 ans, y obtient à 18 ans le premier prix. Elle suit à Paris les cours de théâtre de Charles Dullin mais n’envisage pas de jouer ailleurs que dans sa région, aussi en 1954 se lance-t-elle dans l’aventure de la décentralisation théâtrale avec le TPF (Théâtre Populaire des Flandres) dirigé par Cyril Robichez. Jusqu’en 1960, elle joue dans dix pièces, connaît les tournées héroïques, les festivals en plein air. De 1960 à 1977, elle vit l’aventure du CDN du Nord avec André Reybaz et y fait la rencontre de Pierre-Etienne Heymann ; elle joue aussi au Théâtre du Lambrequin sous la direction de Jacques Rosner.

Derrière le comptoir : une tribune privilégiée

Tous les mardi soir de 1955 à 1968, elle figure dans une pièce radiodiffusée, sur Radio-Lille, ce qui fait de sa voix l’une des plus connues de la région. Après une saison à Grenoble avec Pierre-Étienne Heymann, dans « Marat-Sade » elle connaît des périodes de chômage où elle redevient « bistrote  », derrière le comptoir du café de ses parents à Roubaix. Elle dira « j’étais à une tribune privilégiée pour voir, sentir, comprendre les problèmes des ouvriers et réfléchir. » En 1979, Pierre-Étienne Heymann lui propose le rôle de Pélagie Vlassova dans « La Mère » de Brecht. Elle y est magnifique. Son jeu précis, rigoureux, d’une sobriété dénuée de sentimentalisme, son énergie fascinent. La presse est unanime, le public, chaque soir, lui fait une ovation. D’autres collaborations avec Pierre-Étienne Heymann suivront à La Rose des Vents de Villeneuve d’Ascq dont en 1984 un mémorable « Rabelais à table », le premier spectacle en appartement joué dans la région ; la décentralisation, le service public toujours.

Un sentiment d’indignation au cœur

Arlette Renard collabore à de nombreux spectacles à la Comédie de Béthune dirigée par Jean-Louis Martin-Barbaz et aussi avec Jean-Marc Chotteau, Stéphane Verrue, Dominique Surmais. De 1995 à 2013, sa dernière apparition sur scène, elle lira avec Dominique Surmais les textes de Charlotte Delbo, secrétaire de Louis Jouvet déportée politique à Auschwitz. Femme de théâtre elle a aussi participé à plusieurs films dont La femme flic de Yves Boisset, Toile de fond de Daniel Van Cutsem, Le Fils du requin de Agnès Merlet.et de nombreuses séries télévisées.

Engagée politiquement à gauche, membre du parti communiste, adhérente au SFA, à la CGT… Arlette avait au cœur un sentiment d’indignation contre les injustices, le monde de l’argent, le racisme qui ne la quittera jamais. Son talent n’avait d’égal que sa gentillesse, son attention aux autres. Les journalistes de Liberté et Liberté Hebdo dont elle était une fidèle lectrice garderont d’elle un souvenir ému.