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Le Tourcoing jazz festival fait de la sensibilisation en milieu scolaire

« À quoi sert cette pique en bas de l’instrument ? »

par Gérard Rouy
Publié le 1er octobre 2021 à 14:34

Depuis quelques années, en amont de son événement culturel, le Tourcoing jazz festival organise des sensibilisations auprès des jeunes en allant dans les collèges. Il leur fait ainsi découvrir la programmation du festival et, plus largement, les nombreuses esthétiques du jazz. Cette action pédagogique est soutenue par le Département du Nord.

Divers groupes musicaux sont intervenus dans des établissements scolaires au fil des années autour de différents projets : jazz et chanson française, une présentation du jazz New Orleans, la présence de l’accordéon dans le monde et ses influences dans la musique, notamment venues de l’est de l’Europe, etc. Cette année, c’est le Fakir Trio (avec Marwan Fakir au violon, Louis Desseigne à la guitare et Pierre-Antoine Despatures à la contrebasse) qui a participé à des animations dans divers établissements à Tourcoing, Neuville-en-Ferrain, Saint-André, Roubaix et Roncq, avec le soutien de l’Institut du monde arabe de Tourcoing. Le jazz est par essence une musique métissée, depuis ses origines dans l’afro-Amérique au début du siècle dernier - englobant alors des folklores religieux et profanes, intégrant des méthodes instrumentales, harmoniques et mélodiques inventées en Europe et des traditions amenées d’Afrique par des esclaves -, jusqu’à ses développements les plus contemporains où l’on retrouve des éléments de rock, de rhythm and blues, de salsa, de hip-hop, etc.

Questions sur les instruments

Le Fakir Trio s’intéresse particulièrement aux musiques du monde, sa musique est un tissage d’influences arabes, balkaniques, latines et jazz. Rompus (on l’imagine) aux sensibilisations en milieu scolaire, les musiciens du Fakir Trio ne sont pas ici seulement des musiciens mais de véritables pédagogues, qui dirigent la conversation avec les élèves et suscitent leurs questions à partir de morceaux et de courts exemples purement musicaux sur leurs instruments. L’une de leurs animations, à laquelle nous avons assisté, se déroulait au collège Van der Meersch à Roubaix, le 24 septembre dernier, devant une classe de 5e. Les premières questions portent sur les instruments, particulièrement la contrebasse : « à quoi sert cette pique en bas de l’instrument ? », « pourquoi y a-t-il une tête de lion en haut du manche ? ». Puis on en vient à demander aux élèves de définir le type de musique jouée dans un premier morceau, les réponses fusent : « musique turque », « musique d’orient », « on dirait qu’on est en Égypte »… Les musiciens-pédagogues cherchent alors à tenter d’expliciter les termes d’Occident et d’Orient, un enfant évoque le Maghreb, il leur est par conséquent expliqué que si l’Occident, c’est l’Europe et les États-Unis, l’Orient part en effet du Maghreb : Maroc, Algérie, Tunisie, Lybie, Égypte, en passant par la Turquie, par les pays du Golfe, Émirats arabes unis, Qatar, etc., jusqu’à l’Extrême-Orient : l’Inde, l’Indonésie…

Mélodie et accords

« Qu’est-ce qui vous fait penser qu’il s’agit de musique orientale ? », demandent-ils aux élèves. Réponses : « le style », « la façon de jouer du violon »… Le violoniste Marwan Fakir, qui est marocain et qui a étudié la musique au Maroc et en Turquie avec les grands maîtres de musique turque, explique alors que la musique orientale est de la musique traditionnelle, où les instruments sont là pour accompagner la voix ou, s’il n’y a pas de chanteur, pour imiter la voix humaine. Il ajoute qu’avec son instrument, le violon, il utilise des outils, des techniques, comme le glissando, le vibrato, l’inflexion… Puis, le guitariste Louis Desseigne en revient à la notion de « musique traditionnelle » : « Une musique turque, on peut dire qu’elle appartient au patrimoine de la musique turque, mais on ne sait pas qui l’a écrite, elle est jouée depuis très longtemps, elle est transmise de génération en génération et tous les musiciens qui la jouent peuvent chercher des moyens de se l’approprier et de raconter leur propre histoire avec cette musique qui existe déjà à l’avance. » Il explique aussi, à l’aide de sa guitare, la différence entre une mélodie et des accords, et demande aux collégiens de caractériser divers accords joués à la suite : « dramatique », « mélancolique »… et indique de cette façon que les accords servent à colorer d’une manière spécifique la mélodie (jouée par le violon en l’occurrence). Le trio joue alors un nouveau morceau inspiré du Maroc et d’Algérie, de la musique gnaoua, et précise aux enfants que les Gnaouas étaient des esclaves qui n’avaient pour seuls instruments que leurs voix et leurs chaînes servant à créer un rythme et qui dansaient pendant des heures jusqu’à être en transe, un moyen pour eux de se libérer de leurs chaînes par la danse et la musique. Des esclaves ayant été amenés en Amérique, précisent-ils encore, ce rythme s’est diffusé partout dans toutes les musiques d’aujourd’hui plutôt noires américaines. « Vous en connaissez ? », « le jazz », « le rap », « le blues », « le hip-hop »… Et les musiciens concluent leur animation en évoquant brièvement l’existence de différents types de rythmes, binaires, ternaires, etc.

Le festival se tiendra du 9 au 16 octobre avec des « têtes d’affiche » telles que Henri Texier, Ibrahim Maalouf, Jean-Jacques Milteau, Michel Portal, Gilberto Gil, Manu Katché ou Souad Massi. Le programme est consultable sur le site tourcoing-jazz-festival.com.