© Franck DiRazza
La route au Zeppelin de Saint-André-lez-Lille

Au cœur du désastre, ne pas renoncer

par PAUL K’ROS
Publié le 10 mars 2022 à 16:08 Mise à jour le 11 mars 2022

Dans un environnement dévasté portant encore les stigmates pétrifiés du monde d’avant, une bagnole carbonisée, un caddie brinquebalant, des lambeaux mobiliers, dérisoires témoins d’une activité humaine antérieure, un père et son fils, rescapés provisoires d’on ne sait quel cataclysme, tracent leur route, hasardeuse et peut-être sans issue, dans la poussière et la cendre avec la peur et la faim au ventre et malgré tout cette petite flamme vacillante d’espérance qui rend chacun capable d’aller au-delà de lui-même. Pierre Foviau mijotait depuis pas mal de temps l’idée d’adapter pour la scène le roman de Cormac McCarthy paru en 2006 (prix Pulitzer de la fiction). La pièce créée ces jours-ci au Zeppelin résonne d’une singulière et dramatique actualité. La scénographie esquissée ci-dessus, complétée par un écran grand format aux images brouillées, laisse libre cours aux deux personnages principaux : le père (Pierre Foviau) au bout du rouleau, usant ses dernières forces à protéger et initier son gamin en lui transmettant le peu de savoir humain pouvant lui être utile et le fils (Paul Sion, une révélation, formidable alliage de fragile innocence encore enfantine et de précoce maturité). Leur dialogue au bord du néant constitue la colonne vertébrale de la pièce, avec en contrepoint quelques fugaces mais très éclairantes apparitions du fantôme de la mère (Marion Lambert, toute de blancheur diaphane). Un vieillard énigmatique (Thierry Mettetal), tour à tour narrateur et compagnon d’infortune (Elie), pimente le propos de son grain de sel bien senti. Voleur, pillards mais aussi une famille de « gentils », avec qui le fils poursuivra la route après la mort du père, complètent le tableau de cette fable où les mots les plus simples révèlent les vertiges du monde. Les représentations au Zeppelin ont été jouées à guichet fermé ; on espère que cette pièce continuera sa route dans la région et ailleurs…

La Route d’après Cormac McCarthy, mise en scène Pierre Foviau, Cie les voyageurs. Le Zeppelin Saint-André-lez-Lille. Infos : lezeppelin.fr / 03 62 65 82 01.