Théâtre

Avignon en bonnes compagnies

par Albert LAMMERTYN
Publié le 28 juin 2019 à 12:54

Seize équipes artistiques des Hauts-de-France se produiront dans le « Off » du Festival d’Avignon, où l’on retrouve tous les genres théâtraux. À suivre du 5 au 28 juillet (le festival lui-même étant inauguré le 4).

« L’Équation », par la Cie Teatro di Fabio.
© Roland Baduel

Si l’on vous dit que les Hauts-de-France se trouvent en Avignon, un sourire va géographiquement déformer votre face. C’est pourtant la vérité du 5 au 28 juillet à l’occasion du Festival d’Avignon, soixante-treizième du nom, qui attire les compagnies d’arts vivants, programmateurs et spectateurs du monde entier.
Louer une salle dans la cité des papes pendant trois semaines coûte de sept à vingt mille euros, selon François Decoster, vice-président chargé de la Culture. Sans compter les salaires, les frais logistiques et techniques. Depuis plusieurs années, la Région subventionne les compagnies qui se produisent au festival. Elle les épaule aussi dans leurs relations avec la presse, pour leur offrir des opportunités de diffusion en France et dans le monde.
Seize compagnies régionales dans le « Off » cette année. Leurs propositions oscillent entre la création théâtrale contemporaine et la danse, en passant par le théâtre d’objets. La sélection féminine et la jeune création sont particulièrement mises à l’honneur.

De l’humour (noir ou pas)

Imprégné de toute la chaleur et la mélancolie liées aux impressions d’enfance, Toutes les choses géniales, de Duncan Macmillan et Capucine Lange, est un texte aussi léger que son sujet est grave : le suicide regardé en face et sans complaisance. Dans Disparu, de Cédric Orain, Cie La Traversée (Famars), une femme parle de son fils disparu volontairement pour des raisons inconnues. Elle retrace le fil de cette disparition pour ne pas entendre le silence de l’absence. Le petit boucher, Cie L’Esprit de la Forge (Tergnier), est un poème dramatique puissant, sur le chemin de la résilience. Dans Être là, Cie À vrai dire (Beauvais), trois comédiens confient et « jouent » leur histoire de vie pour interroger avec délicatesse la relation entre aidants et aidés. Dans Pierre de patience, Cie L’Êchappée (Saint-Quentin), une parole de femme, souvent contrainte ou réprimée, se mue en hymne à l’amour et à la liberté.
Le théâtre peut être désopilant. La preuve avec La théorie de l’enchantement, par Le tour du Cadran (Pont-Sainte-Maxence) : Vincent et Fabrice étaient acteurs, Vincent a continué, Fabrice est devenu vendeur de cuisines... Il y a aussi À ceux qui nous ont offensés, Grand Boucan (Lille) : des années de collège passées sous les coups et les crachats retranscrites dans un monologue glaçant d’humour noir. Ou encore Pays de malheur ! par la Cie Les Papavéracées (Amiens). Costa le rouge, par La compagnie dans l’arbre (Violaines), met en scène quatre comédiens qui nous racontent une histoire de famille mêlant intime et universel : un chœur rock et poétique.
Côté danse, Des lustres, Cie Jours dansants (Laon), est une immersion sensorielle sur le récit de soi, proche de l’ethnofiction documentaire. Avec Swann s’inclina poliment, Cie franchement, tu (Montataire), on passe au théâtre musical sur fond de littérature : Proust revisité, doucement-amèrement.

Deux cents lycéens découvrent le festival

Évoquons aussi Guillaume, Jean-luc, Laurent et la journaliste, Cie Il faut toujours finir ce qu’on a commencé (Lille), adaptation du roman Je sors ce soir, de Guillaume Dustan et de ses interviews à la télévision. Née un 17 octobre, Cie Kalaam (Mortagne-du-Nord), met en lumière la puissance réparatrice de la mémoire (répression meurtrière du 17 octobre 1961, par la police française, d’une manifestation d’Algériens organisée à Paris par la fédération de France du Front de libération nationale lors de la guerre d’Algérie).
Quant à L’Équation, Cie Teatro di Fabio (Compiègne), laissons la parole à Albert Einstein : « La distinction entre le passé, le présent et le futur, n’est qu’une illusion, quoique persistante. »

« Babïl » (théâtre pour jeune public).
© DR

Le théâtre jeune public avec Babïl, par L’Embellie Cie (Lille) ou encore le théâtre d’objets avec La Green Box, par le Théâtre la Licorne (Dunkerque) prennent leur place à Avignon.
La Région Hauts-de-France accompagne également deux compagnies au festival « In » : Deep are the Woods (danse) et Hedera Helix - Alexandra Badea (théâtre). Sous le signe de l’émergence, une journée professionnelle - avec table ronde et rencontres - est organisée le 9 juillet au Village du « Off » qui, pour l’occasion, revêtira les couleurs de notre région.
L’opération « Lycéens Hauts-de-France en Avignon 2019 » (élèves de Dunkerque, Fourmies, Saint-Quentin, Bapaume, Montataire, Nogent-sur-Oise, Hazebrouck, Valenciennes, Laon, Chauny, Château-Thierry) permet à près de deux cents jeunes de partir à la découverte du festival, des compagnies, des spectacles et de participer à des ateliers d’écriture ou de pratique du jeu. Effervescence garantie.

Détail de l’affiche 2019 utilisé en logo d’article : © Miryam Haddad