jeanne_dark_de Marion Siéfert à La Rose des Vents

Du vertige narcissique comme possible thérapie

Théâtre

par PAUL K’ROS
Publié le 25 septembre 2020 à 16:06 Mise à jour le 6 février 2023

Jeanne d’Arc ça fait tilt ! À peine prononcé, le nom de la « pucelle d’Orléans » charrie dans son sillage moult réminiscences propres à enflammer l’imaginaire de tout un chacun. À plus forte raison lorsque l’on a 16 ans, que l’on est native de la ville d’Orléans au sein d’une famille bien catholique et que, adolescente solitaire aux prises avec sa sexualité, on est écartelée entre les railleries discriminatoires des camarades de lycée pour virginité supposée tardive et l’étouffante bienveillance familiale bien pensante supposée protectrice. Nous sommes en 2020, Instagram, story en direct, servira d’exutoire au mal être de la jeune fille par le biais d’une longue introspection tantôt susurrée, murmurée comme une confession, tantôt exposée posément comme l’on dresse un diagnostic clinique intérieur, tantôt éruptive telle un flot de révolte rageuse.

En fait... et en direct

C’est donc « en fait », (l’expression émaille le propos de la jeune femme) et en direct (procédé chronophage d’Instagram) que Jeanne dévoile ses tourments d’âme et de corps avec le cocktail contradictoire de sincérité, d’affectation, de douleur intime et de colère jaillissante qui l’habite. Un décor nu d’un blanc évanescent quasi impalpable suggère la chambre en soupente de Jeanne, laquelle entre en scène profil bas, recroquevillée sur elle-même, cheveux longs épars masquant spectaculairement le visage. Pas pour longtemps toutefois car ce visage va (en fait) nous être exposé et nous tenir en alerte, une heure quarante-cinq durant par le truchement du smartphone devenu révélateur expansif de l’intime. La chorégraphe et performeuse Helena de Laurens jouant avec une insolente habileté du miroir communiquant de son téléphone portable nous fait partager chaque instant du vertige narcissique dans lequel la narratrice se complait en recherche d’une thérapie à ses maux. Superbe performance aux mille visages ! La longueur relative de certaines séquences est fort heureusement atténuée par quelques respirations musicales incluses fort à propos. Ce solo percutant a été conçu, écrit et mis en scène par la jeune autrice Marion Siéfert, un nom à retenir. Chapeau !

_jeanne_ dark_ : conception, écriture et mise en scène Marion Siéfert, jeu Helena de Laurens. C’était à La Rose des Vents. À voir ou revoir les 14 et 15 janvier 2021 au Tandem / Hippodrome de Douai.