Les chroniques de JPM à La Chope

Juliette Caplat Dite Kapla, compositrice-interprète-comédienne

Publié le 26 février 2021 à 15:12

J’avais la crève, de celle qui endort les neurones. Je cherchais de quoi me faire un vin chaud à La Chope, quand Juliette est arrivée, l’air en forme. Je lui faisais remarquer. « Je fais du sport et je prends des bains glacés, cela me fait un bien fou. Je le conseille à tout le monde » qu’elle me dit. J’en frissonnais d’avance. Faut dire qu’elle venait de la campagne, de Corrèze, « une enfance au milieu des bois, entourée de quatre frères et sœurs, d’animaux, de beaucoup d’ennuis mais aussi beaucoup de rêves, avec un père paysan et une mère prof. On était pauvre, mais il y avait des livres ». Bonne élève, inscrite à la fac pour faire de l’espagnol, c’est à 20 ans ans qu’elle arrive à Lille. « Je fantasmais sur cette ville et sa vie culturelle. » Elle ne fut pas déçue. Juliette me parlait beaucoup de ceux qu’elle y avait rencontrés, de Loïc Lantoine, avec qui elle animait une émission de chansons sur Radio Campus, de la compagnie Abaca avec qui elle fit ses premiers pas décisifs sur les planches. « Je prenais un gros risque en me lançant dans ce métier. J’aurais dû faire ma thèse, passer l’agrégation puis devenir prof de fac. Cela aurait été plus simple. Mais je me suis dit : “c’est maintenant” ». C’est aussi Christophe Tant et Bara Ravaloson avec qui elle chantait, et La Bande à Polo tous les dimanches. « Une sacrée formation sur le tas. » Mais c’est aussi Bernard Lubat : « Je ne me suis pas jetée dans ses bras en lui disant : “Je suis chanteuse !” Je l’ai beaucoup observé et j’ai découvert la musique improvisée, en vocal et verbal. Je voulais faire de même, de l’improvisation poétique avec les mots, comme les musiciens le font avec leurs instruments. Lubat m’a beaucoup encouragée, jusqu’à me proposer une soirée dans le chapiteau lors de son festival L’Hestejada de las arts. » C’est ainsi que va naître son spectacle « Fautes de frappe », travaillant seule, y mettant beaucoup d’elle, ce qu’elle savait faire, le chant, l’écriture, sa vocalité lyrique, le corps. « Ce fut un moment très important pour moi. Depuis, ce spectacle évolue. J’en rajoute des parties, en enlève. C’est une prise de risque. Mais pour moi, c’est ce qui fait l’art. La musique improvisée, c’est la quintessence de l’artiste sur scène, une présence complète, une vitalité intense sur le plateau et une attention constante à l’autre, à l’instant présent.  » Des moments importants, il y en eut d’autres pour Juliette. Invitée par Thomas Baumgartner à son émission sur France Culture, « Les passagers de la nuit », ce dernier lui proposera de participer au Printemps des poètes. C’est ainsi qu’elle rencontrera la contrebassiste Claire Bellamy avec qui elle créera un spectacle « fait de chansons très écrites et d’improvisations très sauvages. C’est ainsi que je me suis rendue compte que j’interprétais mieux les chansons parce je faisais de l’impro. Ma présence était meilleure, je vivais mieux les chansons, allant plus loin dans l’expression ». Depuis le confinement, Juliette travaille beaucoup le chant lyrique et propose sur Facebook une version de « Fautes de frappe » sous forme de courtes vidéos. « Je n’en attends rien de particulier, à part faire marrer les gens. Mais j’ai eu le plaisir d’être partagée par Ariane Ascaride, que je ne connais pourtant pas. » Quand Juliette est partie, nous avions encore sans doute beaucoup de choses à se dire. Mais la crève, les neurones endormis… Alors, j’ai écouté son conseil. J’allais prendre un bain glacé. Juliette ne pouvait pas être de mauvais conseil.

(Photo : © Didier Péron)