© Gérard Rouy
Gérard Buisine

Le capitaine de la « Bande à Paulo » tient bon la barre

par Gérard Rouy
Publié le 27 août 2021 à 12:28

Ce dimanche 29 août, à 12 h 15, la « Bande à Paulo » sera sur la scène du festival de « l’Humain d’abord » de Somain. L’occasion de revenir sur le parcours de son « chef ».

Qui ne connaît pas (surtout parmi les amis et lecteurs de Liberté Hebdo) la silhouette voutée derrière sa guitare de ce barde à la barbe et aux cheveux blanchis par cette chienne de vie, initiateur et inspirateur de la Bande à Paulo ? Avec ses copains musiciens et chanteurs, Gérard Buisine - puisque c’est de lui qu’il s’agit - tente depuis moultes décennies de perpétuer dans la grande tradition des beuglants et des cafés-concerts d’autrefois l’utopie d’une musique populaire de qualité. Portrait d’un musicien-citoyen. « Juliette Kapla, ce n’était pas rien ! » Gérard Buisine voit le jour en 1946 dans un milieu familial où la musique avait une place : un père violoniste amateur (fou de Stéphane Grappelli) et un grand-père accordéoniste qui animait des bals-musettes dans le Pas-de-Calais. L’aventure de la Bande à Paulo remonte aux années 70 au 4-21, place de la Nouvelle Aventure, aujourd’hui disparu. « Au début, admet-il, on faisait de la musique pour rigoler, pour l’ambiance. » Un peu par hasard, ce prof de maths devient en 1976 détaché dans le réseau de formation continue des GRETA, intervenant également dans le domaine de l’éducation populaire. Dans les années 80, implanté dans le Vieux-Lille au Pitrouillard, le groupe commence à s’étoffer et à alterner un répertoire de chansons réalistes, poétiques, engagées, et d’une partie jazz. À l’occasion du premier Festival d’accordéon à Wazemmes, ils s’installent au Relax (en face de l’ancien 4-21) chaque dimanche soir, ou presque. « Petit à petit, admet Buisine, ça a pris l’allure d’un groupe qui accueillait volontiers les jeunes qui débutaient, ou les gens qui venaient mettre au point leur tour de chant. » C’est ainsi que, par exemple, les Belles Lurettes (Mathilde Braure et Martine Delannoy), étaient venues essayer leur duo avant leur premier concert. Dans le répertoire de la Bande à Paulo, les chansons réalistes populaires sont dominantes. « Mais pas exclusives, proteste Buisine, ce n’est pas toujours le flonflon des années 30. » Ils interprètent en effet beaucoup de chansons de Brassens, Ferré, Brel, Boby Lapointe, Dimey, Vian, Guy Ciancia... Mais aussi des chansons personnelles : « Juliette Kapla, martelle-t-il, ce n’était pas rien !  » Et les anciens jeunes de la bande (Les Fieux, aujourd’hui éparpillés façon puzzle mais qui se retrouvent régulièrement) chantaient aussi Renaud ou Noir Désir. Le chanteur Allain Leprest est passé un soir au Relax et le coup de foudre fut réciproque. « Il a même été question qu’il fasse un disque avec nous. Nous avons désormais une vingtaine de ses chansons dans notre répertoire. » Et la dynamique lancée à Wazemmes il y a presque un demi-siècle semble vouloir perdurer : « Je n’ai jamais vu autant de musicos au Tire-Laine et à la Bande à Paulo que maintenant, confirme cet improbable chef de bande, y compris des jeunes, qui ont la pêche, qui répètent, qui jouent bien et qui ont quelque chose dans le chou. » Des « nouveaux » jeunes sont venus se joindre à la bande : notamment l’accordéoniste et bassiste à vent Étienne Boulanger, créateur du groupe Le beau Milo, et puis Ch’ti Bayou, spécialisé dans la musique cajun...

Culture populaire et fêtes du PCF

Pourtant, Gérard Buisine n’est pas du genre à s’enfermer dans sa tour d’ivoire musicale. Jadis fortement impliqué dans l’éducation populaire, il a toujours été le premier à se mobiliser quand le besoin s’en fait sentir. Comme à l’occasion du « Concert pour la paix » organisé en janvier 2003 au Splendid par Michelle Demessine, à qui ils avaient répondu présent. Ce soir-là, ils avaient interprété « Parachutiste » de Leforestier, « Salut à toi » des Béruriers noirs et « Lily » de Pierre Perret. Au fil des années, outre ses concerts dans différents bistrots lillois, la Bande à Paulo a beaucoup tourné dans des comités d’entreprises, des fêtes politiques ou un réseau d’associations comme Travail et Culture. « J’aime bien ce côté culture populaire qu’on trouve en plein milieu d’une fête du PCF, on débat, on discute, on achète des bouquins, on s’informe un peu. On se retrouve assez bien avec les trotskystes, les Verts, les gens des Jeunesses communistes ou du PC, au moment où ils font la fête. » Tout en reconnaissant qu’il s’est souvent senti proche des communistes, Buisine ajoute en souriant qu’il n’a jamais adhéré : « Je dis toujours à mes copains du PC : je préfère être un sympathisant à vie plutôt qu’un ex-carté écœuré. » Y a-t-il aujourd’hui plus de raisons de s’engager qu’autrefois ? « C’est Gramsci, le révolutionnaire italien, qui parlait d’optimisme de la volonté mais de pessimisme de l’intelligence, une formule qui résume bien ma façon de voir. Par exemple, on fait des trucs à Wazemmes, on tient à ce qui se passe à Wazemmes mais est-ce qu’on va changer le cours de l’histoire ? Wazemmes est condamné à devenir irrémédiablement quelque chose comme Montmartre ou le Vieux-Lille. » Fondamentalement pessimiste (entre autres) sur l’emploi, le chômage ou sur divers conflits tragiques, il se dit en même temps radicalement optimiste : « C’est quand tout est impossible que ça devient possible de faire quelque chose qui va ralentir le cours de l’histoire ou lui donner un autre sens, je trouve que tout ce qu’a fait José Bové ou les gens du D.A.L. dans le passé sont des domaines sur lesquelles il faut bosser. Je suis radical dans un sens et dans l’autre, c’est ça la dialectique. » Ces derniers temps, Gérard Buisine accompagnait le chanteur crypto- pataphysicien Guy Ciancia, aujourd’hui décédé, auteur du livre Lille en Mai - Chroniques anarchistes (éd. Passez Muscade) et du CD Dans ma rue (ASQFA). Aujourd’hui, si les concerts de la Bande à Paulo sont plus espacés, on peut néanmoins encore les entendre certains samedis soir au Jazzique ou aux Sarrazins, toujours à Wazemmes... Et la Bande vous attend à Somain, pour le festival de «  l’Humain d’Abord » !