Dans une société imaginaire (mais pas si imaginaire que ça), le travail est devenu une denrée rare monnayée au prix fort sur un marché du travail qui n’a jamais aussi bien mérité son nom mercantile. Cette précieuse marchandise qui seule vous donne accès à une reconnaissance sociale n’est octroyée qu’au terme d’une impitoyable course d’obstacles et au prix d’une humiliante soumission aux critères les plus kafkaïens qui soient. Inutile de préciser que le candidat à la validation d’un emploi doit faire preuve d’une éprouvante capacité à se vendre. Faute de quoi vous stagnerez dans la fosse commune des inactifs, invisibles et manipulables à souhait attributaires d’un revenu minimum de survie. Voila grosso-modo l’objet de la pièce écrite et mise en scène par Antoine Lemaire (Cie THEC), présentée sous forme de lecture-spectacle au Théâtre de la Verrière dans le cadre de la toujours passionnante série des « cabaret de l’Union » initiée par l’association Travail et culture. C’est donc à un « travail en cours » auquel a assisté un public nombreux heureux de ces retrouvailles avec le spectacle vivant « en présentiel » comme l’on dit dans le langage Covid. Elles et ils sont cinq sur le plateau ; d’un côté quatre instructeurs-examinateurs debout derrière leur micro bien campés sur leurs deux jambes et emmenés par une enquêtrice en verve (Céline Dupuis) au ton inquisiteur et comminatoire à souhait et de l’autre un candidat à la validation parfois debout, souvent assis mais toujours en position d’infériorité, voire de culpabilité, incarné par un formidable Bruno Tuchszer dont les postures remarquablement nuancées font tout « le sel de la peur » de la pièce. Le recours à quelques séquences vidéo fait partie du processus comme il se doit à notre époque moderne et il y aura aussi des inattendus basculements de situation. C’est à suivre…
La Validation-Dystopie, texte et mise en scène Antoine Lemaire avec Cyril Brisse, Muriel Coquet, Camille Dupond, Céline Dupuis, Bruno Tuchszer. C’était au Théâtre de la Verrière suivi d’un débat avec Antoine Lemaire et François-Xavier Devetter professeur en socioéconomie du travail à l’université de Lille membre du Clersé-CNRS.
