Folon. Les Affiches.

Objets éphémères dites-vous ?

par Alphonse Cugier
Publié le 25 septembre 2020 à 16:22

Même si la presse française a mis du temps avant de reconnaître le talent de Folon (1934-2005), le grand public l’a découvert très tôt. Certains se souviennent du générique d’Antenne 2 qui les a accompagnés de 1975 à 1983 : des hommes volants se placent pour annoncer la chaîne et disparaissent ensuite avec le soleil couchant. Il a aussi réalisé ceux du Grand Échiquier de Jacques Chancel et d’Italiques où des hommes bleus s’envolent avec des livres sur une musique d’Ennio Morricone. Il s’est pareillement distingué comme affichiste (près de 600). Placardées dans les rues, elles sont immédiatement identifiables, attirent le regard des passants par leur simplicité et leur délicatesse. Des affiches troublantes par leur beauté étrange, inhabituelle dans ces lieux. Les plus anciennes n’ont rien perdu de leur lisibilité, la mémoire est d’emblée sollicitée.Folon ignore l’excès, fonctionne à la légèreté, c’est son attitude face à la vie, une éthique. Il intervient de même dans le domaine de la publicité : des hommes se promènent sur les touches du clavier d’une machine à écrire Olivetti, les mots, les phrases sont bel et bien leur œuvre. Sur l’affiche du film de Maurice Dugowson Lily aime-moi (Patrick Dewaere et Zouzou), un homme tout de rouge vêtu comme les lèvres de femme qui lui servent d’esquif pour voguer sur une mer lisse d’un bleu intense.

On peut être poète dans la rue

Ses collaborations au cinéma, au théâtre, avec La Poste (« on écrit toujours une image à quelqu’un » disait-il) ont assis sa notoriété. Il s’est de surcroît engagé dans des campagnes d’affichage pour les causes qui lui importaient : Unicef, Greenpeace, Amnesty International. Folon a une sorte de don d’image, précieuse faculté de défaire et de refaire l’information, démontrant à quel point la netteté du trait, la douceur de l’aquarelle en larges dégradés, transparence et fondu-enchaîné, peuvent donner à méditer une réalité qu’il poétise et qui illumine notre cadre de vie. Tout en laissant l’impression d’être dans les nuages, il sait se mettre à l’écoute du sujet et être à l’occasion cinglant.

En 1978, trois ans avant l’abolition de la peine de mort, soutenant la lutte de Robert Badinter, son affiche présentait sur un fond crépusculaire un visage d’une fixité monstrueuse, yeux écarquillés en forme de cocarde tricolore écartés exagérément, bouche rectangulaire grande ouverte verticalement, image de la guillotine, avaleuse de têtes. « Il y a des jours où vous avez envie de crier et des jours où l’on a envie d’aimer. » Événement capital que cette publication, non seulement parce qu’elle réunit 160 affiches, une corne d’abondance, mais aussi parce qu’elle rend lumineux cet art que Jean-Michel Folon considérait comme étant « le plus visuel, le plus fort et le plus direct ». Les textes d’Alain Weill et Karl Scheerlinck introduisent les différents domaines d’intervention de Folon. L’ouvrage se clôt par un entretien de l’artiste avec Paul Augé.