Rentrée culturelle

Ouverture en fanfare pour l’ONL

par PAUL K’ROS
Publié le 7 octobre 2020 à 10:37

Quatre cors, trois trompettes, trois trombones, trois timbales, une grosse caisse, un gong et treize musiciens impeccables de brillance, de franches sonorités et de précision rythmique, il n’en fallait pas moins pour une rentrée en fanfare de l’Orchestre national de Lille. De quoi nous faire faire oublier (un instant) les contraintes de la Covid-19 en mettant en valeur les qualités cuivres et percussions de notre orchestre Le choix était d’autant plus judicieux que les fanfares sont chères au cœur populaire des gens du nord. La Fanfare for the common man d’Aaron Copland avait donc tout pour séduire les oreilles du public heureux de ces retrouvailles en direct avec les musiciens après des mois d’abstinence forcée.

Quatre minutes pour la gloire

Curieuse histoire que celle de cette courte (quatre minutes environ) mais éclatante œuvre qui contribua à la célébrité du compositeur natif de Brooklyn, l’un des fondateurs de l’ école musicale « américaniste » mariant le jazz et les airs populaires des États-Unis à la musique classique venue d’Europe. Composée sur commande en 1942 pour faire partie d’une parade musicale patriotique en hommage aux militaires américains après l’attaque de Pearl Harbor, l’œuvre est devenue emblématique, aujourd’hui encore, en Amérique bien que son titre « fanfare pour l’homme ordinaire » aie quelque peu contrarié les commanditaires. Copland s’est à l’époque expliqué de son choix en disant que « c’était l’homme ordinaire après tout qui faisait le sale boulot de la guerre ». Bien vu. Ironie de l’histoire, Aaron Copland, descendant d’une famille juive émigrée de Lituanie, fut, peu après dans les années 50, une des victimes de la chasse aux sorcières du maccarthysme pour soupçon de sympathie communiste. La suite du concert, sans entracte, fut consacrée aux cordes avec le Concerto pour violoncelle n°1 de Haydn interprété au pied levé avec une belle maîtrise par le jeune soliste Edgar Moreau remplaçant in extremis Nemanja Radulovic cloitré dans une chambre à Budapest pour positivité à la Covid (rassurez vous, on le reverra à Lille le 15 octobre). Le Divertimento pour cordes de Béla Bartók clôturait en beauté cette soirée de retrouvailles. Écrit quelques mois avant l’exil du compositeur hongrois fuyant l’expansion du régime nazi, il se distingue par un second mouvement, souvent en sourdine, aux accents particulièrement tragiques sitôt suivi d’un troisième, beaucoup plus virevoltant, aux couleurs étonnantes comme une bouffée d’espoir imprégnée d’airs populaires tziganes. L’orchestre national de Lille était dirigé par son chef titulaire, Alexandre Bloch, dont on est heureux de saluer pour l’occasion la sortie du dernier DVD consacré à la Symphonie n°7 de Gustav Mahler, une des moins connues, qui vous réserve de bien belles surprises.

(Photo : © Ugo Ponte/ONL)