© Arnaud Bertereau
Au théâtre du Nord jusqu’au 6 janvier

Peer Gynt nous en fait voir de toutes les couleurs

Publié le 28 décembre 2021 à 12:17

Avec Peer Gynt d’Ibsen (à voir de nouveau du 4 au 6 janvier 2022), David Bobée insuffle sur la scène du théâtre du Nord un souffle épique, inventif, jouissif qui en met plein les yeux et tourneboule les méninges. Dans un décor de fête foraine en friche, nostalgique de ses derniers lampions, avec grand huit voué à la convoitise des ferrailleurs, un masque géant de clown de foire et ducasse d’antan jonchant le sol de son rictus de carton-pâte et au mitan de la place une roulotte façon caravane cabossée et noircie par le temps mais encore apte à faire un tour de valse, c’est là même que Peer Gynt (époustouflant Radouan Leflahi) de retour au logis saoule sa mère, qui n’en croit mot, de mille bobards et aventures soi-disant vécues. C’est que notre jeune homme, agile de corps et d’esprit en pleine force de l’âge, est menteur comme un arracheur de dents, hâbleur comme un « j’m’en fiche » prêt à tout et à rien ; avide, peut-être de revanche sociale mais sans en avoir la volonté ni s’en donner les moyens. Alors, en quête d’un perpétuel Ailleurs, il s’invente mille vies et n’en assume aucune, même pas l’amour de la belle Solveig.

Une floppée d’images fabuleuses

Dans le sillage de ce personnage omniprésent, David Bobée nous trimballe de la Norvège paysanne au royaume des Trolls à tête de cochon en passant par les graffitis d’un hospice d’aliénés du Caire, ou encore par un salon climatisé pour affairistes occidentaux en veine d’Afrique et une embarcation en perdition dans la brume des côtes norvégiennes pour finir échouée comme par miracle, faut voir ça, sur le sol poussiéreux du point de départ. Le spectateur est ainsi embarqué dans une floppée d’images fabuleuses, interpellé par une ivresse de mots et d’idées qui l’interrogent sur les atermoiements de sa propre condition. Une belle et pétaradante équipe de comédiennes et comédiens rompus à toutes les fantaisies, manigances et sortilèges mène l’affaire tambour battant au rythme de la très prenante composition musicale et vocale live de Butch McKoy. La mise en scène, on l’a dit, est soignée façon David Bobée qui signe ainsi, de la plus belle manière qui soit, son arrivée sur le plateau du théâtre du Nord dont il assume désormais les destinées. Voilà qui augure bien de l’avenir.

Peer Gynt de Henrik Ibsen, mise en scène et adaptation David Bobée, c’est au théâtre du Nord jusqu’au 6 janvier 2022. Infos et réservations : theatredunord.fr / 03 20 14 24 24.