Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Audrey Chapon, comédienne, metteuse en scène, autrice

Publié le 30 octobre 2020 à 15:43

La place Louise-Michel n’est qu’à quelque mètres de La Chope. En son centre, un arbre, celui de Günther. Au pied de celui-ci, un banc, devenu le mien. C’est là où nous étions. Audrey Chapon nous y avait rejoints en cette fin de journée. Audrey est du Nord, mais pas que. Entre sa naissance à Roubaix, et son retour à Lille, elle avait sillonné la France. « Ma mère est marocaine. Elle a rencontré mon père sur une plage espagnole. Muté régulièrement, il emmenait toute la famille à travers la France. » Sa vie d’artiste prends sans doute racine à Angoulême : « J’ai 8 ans, me dit-elle, j’entre dans ce magnifique théâtre à l’italienne. Rien que cela, c’est extraordinaire. J’y vois Les Fourberie de Scapin. Je suis envoûtée. » Elle ne cessera alors plus, au grès de ses déménagements, à chercher comment faire du théâtre. « Au club théâtre au collège de Périgueux, l’école de théâtre à Perpignan, puis le conservatoire de Roubaix. J’ai toujours fait des stages, des ateliers. » C’est ainsi qu’elle rencontre Antoine Lemaire et la compagnie TEC à Cambrai avec qui elle travaillera régulièrement comme comédienne. « Mais j’ai aussi travaillé avec les Chiennes savantes, Sophie Rousseau. » En 2006, elle créé la compagnie « Lazlo » et monte son premier spectacle : Manque de Sarah Kane. « Je faisais des master-class, de la pédagogie. Il était évident que je ferai un jour de la mise en scène. J’ai toujours essayé de décortiquer les textes, de les comprendre. J’adore diriger des acteurs, j’adore raconter des histoires. » Audrey a l’enthousiasme du passé, du présent et du futur. Elle se nourrit avec curiosité de tout ce qui l’entoure, de ce qu’elle voit, avec boulimie, se délectant de ses prochains projets. « J’en ai toujours plusieurs, j’en ai besoin. » Elle prépare actuellement la reprise du spectacle Quatre sœurs, avec Murielle Colvez, Charlotte Talpaert, Marion Laboulais, Barbirooza et Céline Dupuy. «  J’avais vu Cris et chuchotements de Bergman. Cela m’a donné envie de travailler autour de cette situation, des enjeux qui existent dans une cellule familiale, ses tensions. J’ai alors demandé à Géraldine Serbourdin, dont j’aime l’écriture, de me proposer un texte. » Audrey écrit aussi. Quatre ans après avoir envoyé son manuscrit, Seuls les arbres pleurent toujours, il vient d’être publié à l’école des loisirs. « C’est l’histoire d’une petite fille maltraitée par son père, mal-aimée par sa mère et qui a pour meilleur ami un saule pleureur. Elle a des rapports étroits avec la nature, les arbres, son jardin et son grand-père. C’est un texte poétique mais j’y parle bien sûr de résilience. » Ce texte est né suite à différents témoignages récoltés auprès de collégiens, lycéens, à la Maison d’arrêt de Quincy. « J’ai été choquée par ce que j’ai vu, entendu. J’ai croisé des enfants battus, les jambes meurtries sous les coups. J’ai vu aussi leur force. Ils ne montraient rien, mais donnaient des indices sur leur souffrances. Mais mon texte n’est pas triste. J’ai des retours très touchants, très émouvants de la part de lecteurs » me dit-elle, étonnée de la porté de ce texte qui risque de la suivre encore longtemps. Ce sera son prochain spectacle, qui mêlera illustrations et animations. En attendant, « j’écris de plus en plus. Je viens d’avoir une commande de texte importante ». Quelques gouttes sont tombées sur la place Louise-Michel. Audrey nous a laissés. J’ai sorti mon pébroc, je suis resté avec mon chien et son arbre, sur mon banc, en me disant qu’un jour, nous apparaîtrons peut-être dans les histoires d’Audrey qu’elle aime tant raconter.

JPM

Seuls les arbres pleurent toujours, Audrey Chapon, septembre 2019, éditions L’école des loisirs, 48 pages, 6,50 €.