Les chroniques de JPM

Rencontre avec BarbiRooza, performeuse

Publié le 18 septembre 2020 à 13:12

18h. Dans La Chope, résonne « Sexy Mother Fucker » de Prince. Y’a du monde, plein. Ça dégorge de têtes connues. BarbiRooza, habillée couleurs flashy devant son verre de rouge, a le regard amusé en écoutant les grandes gueules des comptoirs. Elle me dit : « J’ai passé beaucoup de temps dans les bistrots. Étudiante, j’y ai bossé. Quand j’ai commencé la musique aussi. J’y ai fait beaucoup de concerts également. Et puis, faut dire que j’habite Wazemmes ! » Née à Maubeuge de parents ouvriers, elle n’est pas artiste par héritage. « Cela m’est venu d’un coup. Étudiante, Je faisais de la guitare électrique, sans doute inspirée par les musiciens que je fréquentais quand j’étais serveuse. J’ai toujours aimé chanter, et danser. Gamine, je voulais être Janis Joplin. Et puis, jouer de la guitare dans les année 90, c’était un truc de mec. » Elle enchaîne : « Un jour, j’ai rencontré des copines musiciennes. On a monté un groupe pour rire, on était mauvaises, autodidactes, mais on bossait. On a fait notre premier concert, et cela m’a retournée la tête ! J’ai su de suite que c’était sur scène que je voulais être. C’était en 1993. » Elle en parle comme si c’était hier, les yeux pétillants. Les premières fois, même foireuses, c’est toujours des souvenirs qui restent.

En l’écoutant parler, caressant Günther étonnamment sage, les flatulences au repos, je me demandais comment qualifier BarbiRooza, alors que son CV remplirait un numéro complet de Liberté Hebdo. « Disons que je suis performeuse. Ce que j’aime, c’est le spectacle, la musique, faire des concerts. J’aime être au service d’une création. Il m’est arrivé d’apprendre pendant six mois les claquettes pour un spectacle. Je suis indépendante dans mes choix. Je n’ai pas de chapelles. J’adore le jazz. Je suis heureuse dans les spectacles de rue. Je collabore actuellement avec Marjorie Van Halteren sur une pièce sonore. Je travaille aussi avec la metteuse en scène Audrey Chapon . J’étais dans le label des Bérurier Noir, j’ai joué avec Mastos. Mais je ne suis pas punk. J’adore le funk aussi. Je déteste les clichés, c’est tout. »

Et résonnait « Dance Machine » de James Brown. Si Günther n’avait pas lâché un vent, l’instant aurait été magique.En parlant de funk, je savais qu’elle jouerait avec les Atomic Ladies le 3 octobre à Wattignies, neuf nanas d’univers différents qui font groover les salles. Je savais qu’elle travaillait avec la danseuse Aurore Floreancig. Qu’elle serait à la Rose des Vents en janvier pour la carte blanche de Corinne Masièro et qu’elle préparait un album avec Sheetah et les Weissmullers. Avant de partir, elle me dit : « Je prépare un solo en théâtre de rue, Anne-Marie, l’histoire d’une DRH qui va de désillusions en désillusions, qui, suite à un burn-out, fait de la musique. Par cette histoire, j’essaie d’avoir un regard tendre sur ces gens broyés par le système. » Puis elle rajouta : « Vivement la liberté. Je ne me sens pas bien avec les restrictions. L’ambiance est morose. Programmateurs et artistes sont dans l’autocensure, le consensuel. J’espère qu’ils entreront en résistance, avec de la poésie, du beau, du sensible. » Elle est partie. J’ai regretté ne pas être artiste pour travailler avec elle. Dommage. « Prout » a fait Günther. Le sax de Coltrane sur « My Favorite Things » a empli La Chope.