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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Céline Dupuis, comédienne et metteuse en scène

Publié le 4 juin 2021 à 14:38

Énergique de la façon dont elle demande : « Une bière blonde, à la pression. » Terrasse de La Chope, une caresse à Günther, Céline s’assoit, me sourit : « Deux représentations aujourd’hui ! » qu’elle me dit. Énergique aussi, la façon dont elle parle de son enfance et du théâtre qui entre dans sa vie. « Merci l’Éducation nationale ! Une maîtresse de CM2 qui monte un spectacle. Puis en 6ème, dans un atelier enfants/adultes. » « Et c’est parti ! » aurais-je tendance à lui répondre. Pas de tour de chauffe, l’évidence pour Céline d’être là où elle doit être, accompagnée par la bienveillance de ses parents. « J’ai été très bonne élève, comme voulant leur donner une garantie. Ligne droite jusqu’au bac !  » Céline ne se sépare pas de son sourire. «  Puis Paris, Cours Simon. J’étais une gamine. Ville inconnue, découverte de ce métier et une certaine désillusion. On me parlait emploi, carrière. Je n’avais pas appréhendé la notion de compétition : être le Premier Prix, le plus brillant. Tout cela m’était étranger. La formation était très classique. Je me suis sentie enfermée dans un système. Je basculais de l’idéal à la réalité. Mais j’ai continué. Première année, premier prix. Deuxième année : on me dit que je n’en ai pas besoin d’une troisième, que je peux travailler. J’ai 20 ans, aucun réseau. Je réponds aux annonce de l’ANPE, et voilà... Les Fourberies de Scapin. » Pour ne rien vous cacher, amis lecteurs, Céline, je l’ai vue jouer tous les rôles, des tragiques, des drôles, des indéfinissables et toujours me surprendre. « Mais à 40 ans, cela devient difficile. Gros passage à vide, plus de travail, plus de propositions. Finalement, tant mieux. J’ai pu me retrouver. Je ne voulais pas arrêter ce métier. J’ai décidé de monter ce qui me plaisait. Je me suis rapprochée de mes désirs de théâtre. Avec mon expérience, j’ai vu ce que j’aimais et n’aimais pas. J’ai alors créé plusieurs projets, puis ma compagnie Filigrane 111. » Caresses à Günther, bière fraîche servie avec quelques olives, Tonio qui nous salue et Céline, toujours le sourire aux lèvres : « Le théâtre à toujours été pour moi un endroit de liberté. Pouvoir tout dire, de n’importe qu’elle façon. Le théâtre est une immense aire de jeu où tout est possible, sans frontières. Depuis que j’initie des projets, je n’attends plus le désir de l’autre, même si je continue à travailler avec d’autres compagnies. J’ai désormais plus de légèreté par rapport à ça. » Elle vient de créer avec Cyril Brisse et Franck Renaud L’Art de perdre, adapté du roman d’Alice Zeniter. Soutenu par le Bateau Feu de Dunkerque, ce spectacle relate l’histoire d’une famille algérienne sur trois générations. « Nous avons rencontré beaucoup d’Algériens de la région. Ils sont intégrés au spectacle par l’intermédiaire de films. C’est aussi Clarisse (une histoire de L’Art de perdre), une forme autonome pour lieux non-théâtraux. » Énergique Céline quand elle me dit qu’«  avec la Compagnie Des Ils et des Elles, je jouerai à Avignon cet été avec le spectacle Has been de Stéphane Hervé et Frédérique Keddari-Devisme à l’Espace Pasteur ». Caresse à Günther, dernière olive, et elle rajoute : « Il y a quelque chose de politique dans le fait de choisir tel où tel texte. Le théâtre permet la discussion, d’aborder des sujets non pas frontalement, mais de façon fédératrice. Mes spectacles sont politiques, mais en filigrane. » Céline pose son verre vide. Elle part en me souriant. J’ai oublié de lui demander si elle allait bien. Je manque de savoir-vivre. Günther corrobore. « Ouaf ! »