Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Louise Bronx

Publié le 4 juin 2020 à 15:49 Mise à jour le 13 septembre 2021

Aujourd’hui déconfiné, JPM vous propose une série de portraits d’artistes, bien réels eux, sous forme de rencontres imaginaires à La Chope, qui a enfin pu rouvrir sa terrasse le 2 juin pour y accueillir ses habitués, que l’on commence à bien connaître.

La Chope ouverte, ça change la vie. Pas de têtes nouvelles, et cela n’ennuyait visiblement personne à part Samir qui aurait bien aimé remonter le chiffre d’affaires. Chacun avait repris sa place, ses habitudes et quand Louise Bronx s’est assise à mes côtés, ce fut comme l’arrivée d’un nouveau voisin. « C’est qui  ? » semblait se dire Sergio, qui ne put s’empêcher de s’approcher. Elle était arrivée à pied, mini-jupe en jean et tee-shirt vert pétant. De sa voix forte et grave de 5 h du matin qui envahit le troquet, elle avait commandé un citron pressé. Faut dire que Louise Bronx, c’est ce que l’on appelle un « personnage ». Autodidacte complète, artiste polymorphe et intuitive (graphiste, performeuse, musicienne, comédienne) née au Maroc, c’est à deux ans qu’elle arrive dans le Nord avec sa mère pour y retrouver son grand-père espagnol, métallurgiste à Dunkerque. Il avait fui Franco en se réfugiant au Maroc, alors sous protectorat français. Il se fit naturalisé, mais en fut expulsé en 1961. C’est peut-être cet héritage qui fit aimer à Louise l’odeur de la tôle au point qu’elle passa son BEP chaudronnerie. C’est en tant que constructrice qu’elle entra dans le monde du spectacle au Collectif Organum, pour finalement y rester quatre ans en tant que comédienne. Depuis, Louise Bronx enchaîne les créations et les collaborations. Mais il ne faut pas chercher chez elle le consensuel. Il ne faut pas compter sur elle pour faire des spectacles « tout public tout gentils » comme elle me dit en caressant Günther, qui n’en demandait pas temps, sous les yeux attendris de Jeannot qui pensait sans doute à tata Rosa qui dormait dorénavant six pieds sous terre. C’était la fin d’après-midi, la première semaine d’ouverture de La Chope, et forcément, Louise et moi ne pouvions que parler de ces trois mois de confinement. « Nous devions jouer 15 jours à Paris Une vie bien renger d’Adolpha, avec Corinne Masiero, dans une mise en scène de Nicolas Grard de la Compagnie Détournoyment. Des programmateurs devaient venir. Mais nous seront quand même à la Ferme d’en Haut à Villeneuve d’Ascq en novembre. Durant ces deux mois, j’ai fait beaucoup de collages papiers, ou virtuels, que l’on peut voir sur ma page Facebook. » Elle m’avait précédemment parlé de sa fascination pour les collages dadaïstes, ceux de Prévert aussi. Jamais l’art ne passe après ses engagements mais ils sont intimement liés. C’est toujours dans cet esprit poétique qu’elle interprète, avec Laure Chailloux et Elsa Demombynes, des « haïkus sonores », poème courts japonais remis au goût du jour et dont elles préparent une deuxième version pour enfants. De sa voix posée, Louise m’explique que pendant ces deux mois de confinement, elle chantait à la commande des chansons au téléphone. « Cela me sortait de la tristesse » me dit-elle. « Et puis, j’adore chanter. On a toujours chanté dans ma famille. » Mais arriva l’heure où Louise devait me quitter. « J’ai un réunion avec les Interluttants 59. Nous les artistes, il faut préparer la rentrée sociale. Cela va être compliqué pour nous, même si je préfère manifester avec les infirmières. C’est ça, la convergences des luttes, même si je n’y crois plus trop. Les gens n’arrivent pas à se réunir.  » Et me revenait l’image de Louise en Marianne ensanglantée lors des manifestations de Gilets jaunes. En la voyant partir, alors que je commandais mon premier pastis de l’année offert par François, je me disais que, par son parcours, ses idéaux et sa générosité, Louise Bronx devrait trôner dans toutes les mairies de France.