© Sophie Bourdon
Les rubriques de JPM à La Chope

Rencontre avec Mathilde Braure, comédienne et musicienne

Publié le 30 avril 2021 à 17:29

Son chien est un fox-terrier de cirque, dressé pour sauter. Alors, fais pas ton jaloux. S’il se la pète en faisant des galipettes, ignore-le et cite-lui du Barthes »que j’avais dit à Günther. Finalement, Mathilde arrivait seule et me demandait un café. Samir cleanait* la salle en prévision de la réouverture de La Chope. C’est par le piano que tout a commencé pour elle. « À part mon père, pourtant très mélomane, tout le monde en jouait dans la famille. Je me souviens de mon premier cours, j’ai 6 ans, la chaleur dans la salle, mes pieds ne touchant pas le sol, mes claquettes tombant par terre. » C’était au conservatoire de Valenciennes. Puis ce fut celui d’art dramatique. « Je voulais être comédienne, mais ce n’était pas bien vu dans ma famille. J’ai fait psycho, mon passeport pour la liberté.  » C’est avec la Compagnie des Théâtrophages qu’elle apprit vraiment le métier. « L’envie de musique dans mes spectacles est arrivée en étant assistante de Benno Besson. La musique, je ne la pratiquais qu’en amateur. C’est avec Denis Cacheux que j’ai commencé à jouer sur scène. » La vie de Mathilde est une suite de défis, celui d’affronter le monde qui ne lui fit pas toujours de cadeaux. Des défis professionnels aussi, aller de l’avant, être en mouvement, mais s’accrochant toujours aux opportunités. « Sortant d’une formation au Studio des variétés, j’avais créé un tour de chant. J’ai alors rencontré Martine Delannoy. Nous tournions dans des villages, rencontrions des gens et chantions des chansons parlant d’eux. De plus en plus de monde vint nous voir. Ainsi sont nées “Les Belles Lurettes”. Suite à un premier album auto-produit, nous sommes rentrées chez Boucherie Productions avec un contrat d’artiste de cinq ans pour trois albums. Mais le label s’arrêta avant.  » Mathilde parlait posément, laissant un silence avant de répondre, comme pour mieux me cerner, voulant comprendre ce que j’attendais d’elle. Je voulais qu’elle me parle de sa vie, des 50 films qu’elle avait tournés. Mais revenait toujours dans ses paroles cette impression de n’avoir jamais su comment « être » dans ce métier, comment gérer ses codes. « J’ai créé la Compagnie Ces champs sont là. Je chantais des chansons à l’accordéon. Je fus cataloguée de chanteuse pour Ehpad. On nous enferme vite dans un tiroir. Malgré tous nos efforts, on ne peut en sortir seul. Il faut quelqu’un pour l’ouvrir. C’est un jeune musicien, Gaspard Furlan, qui m’a offert cette chance. Suite à une résidence au 9-9bis, nous avons créé TempoDrama, spectacle inscrit dans les musiques actuelles. Mais la Covid... » Aujourd’hui, Mathilde se consacre à la direction artistique, avec Sarah Lecarpentier et la Compagnie rêvages, ainsi qu’avec la chorale CREEPI de la compagnie Cendres la Rouge. « Je prends beaucoup de plaisir à transmettre, à aider quelqu’un à aller là où il veut.  » Elle va créer une lecture musicale d’un texte d’Antoine Mouton, Chômage Monstre. Mathilde ne voulait pas se laisser enfermer par la pandémie pour être prête quand tout sera fini, même si elle regrettait que son spectacle Il m’a vu nue, écrit à partir de vielles chansons féministes, n’eut pas l’écho espéré : « Tout le monde s’en fout de la condition féminine. Ce qui me plaît dans le système communiste, c’est que l’on s’appelle “camarade”. La relation n’est pas sexuée. Le monde des musiques actuelles est sexiste et rétrograde. » Elle a commandé un verre de blanc, regardé mon clebs paralysé et me dit : « Tu sais, mon chien a la mâchoire de traviole. » « Tu vois, chacun sa croix » que j’ai dit à Günther.