© Carlotta Forsberg
Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Nathalie Grenat, comédienne et metteuse en scène

Publié le 9 juillet 2021 à 12:58

J’avais eu du mal à la ramener à La Chope, n’aimant guère la foule, les comptoirs et l’odeur de mon chien Günther. Nathalie n’était pas du Nord, mais avait une longue histoire avec la région. « Je l’ai découverte en suivant le metteur en scène Xavier Maurel au théâtre du Nord alors dirigé pas Daniel Mesguich. J’y ai travaillé trois ans, jouant dans de nombreux spectacles. J’intervenais en collège, en fac. J’y ai rencontré beaucoup de gens, y ai créé des liens avec des artistes, des compagnies. » Ce sont les livres qui l’avaient amenée au théâtre. « Gamine, je vivais dans une petite ville de province. Il n’y avait que la bibliothèque municipale. J’y ai découvert la poésie, la littérature, le théâtre. Je n’osais pas dire que, plus grande, je voulais être “personnage”, Madame Bovary, Anna Karénine. Je voulais être comme Fernand Raynaud que j’avais vu à la télé. Communiquer grâce à la scène. » Son parcours dans le théâtre commence à 18 ans quand elle monte à Paris. Gare d’Austerlitz où elle dort les premiers temps n’y connaissant personne, puis un travail, son premier appart et enfin ses premier cours chez Véra Gregh. « J’étais au fond de la salle, je n’osais pas monter sur scène. Je trouvais les autres à l’aise dans la vie. Je n’avais pas les codes de la vie parisienne. Je n’avais rien vu au théâtre, je ne connaissais rien. Les cours ne me convenaient pas. Il me manquait quelque chose. Je n’avais pas envie d’être vedette, je cherchais autre chose. J’avais besoin d’apprendre. C’était trop superficiel, très parisien. » C’est en découvrant la sortie des cours de Philippe Duclos et son travail qu’elle sut où elle voulait être : « Il y avait une dimension littéraire dans ses cours. Tout ce dont je m’étais nourrie était là. C’était un pédagogue génial. On ne parlait pas que de théâtre, mais de la vie, de cinéma, de Barthes. J’ai appris beaucoup pendant deux ans. » Premier spectacle, un agent la repère et vient la chercher : « Je ne savais pas quoi en faire. Je ne pensais pas en termes de carrière. Le cinéma ne m’intéressait pas. Je voulais être sur scène, jouer devant des gens. » Nathalie est venue naturellement à la mise en scène. « Les choses se sont déplacées. Je suis toujours en confrontation avec un plateau, un espace, des textes, mais en regard avec des acteurs. Jouer n’était plus un besoin, ni une envie. Ça reviendra peut-être. J’ai besoin de regarder, et non plus d’être regardée. C’est le texte et le sujet qui m’intéressent. J’ai un problème avec la réalité. L’art est une manière de se réfugier, d’aller ailleurs. La politique ne m’intéresse que si c’est Titus et Bérénice, par le prisme de ce que les autres en font, qui la transcende. C’est avant tout l’humain qui m’intéresse. Comme pour le travail photographique que je mène en parallèle. » Nathalie met en scène à Avignon Parkour (chronique d’un matricule), écrit et interprété par Gérald Dumont pour le Théâtre K. « J’aime l’écriture et l’univers de Gérald. J’ai été touchée par l’histoire qu’il a écrit, celle de Fathia B. que l’on suit de l’enfance jusqu’à son épanouissement personnel en tant que femme. On y retrouve les questionnements d’aujourd’hui. La religion, la place de la femme. Elle refuse ce qui a été établi pour elle. Mais Parkour n’est pas du théâtre social ni féministe. Il y a de la fiction. l’écriture de Gérald est de la littérature. Ce n’est pas juste un témoignage. » Elle a fait une photo de Günther, a fini son Perrier citron, et me dit en partant : « Le théâtre réunit des gens. C’est fondamental. » Je n’ai pas dit à mon chien qu’elle préférait les chats.

PARKOUR (Chronique d’un matricule), Avignon Théâtre Tranversal, du 7 au 31 juillet à 11 h 45. Infos : theatrek.fr.