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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Nicolas Ducron, artiste protéiforme à tendance poétique

Publié le 10 mars 2022 à 19:07 Mise à jour le 11 mars 2022

« Depuis l’âge de 16 ans, je fréquente les bistrots », me dit Nicolas en s’accoudant au zinc. Puis il commanda un Coca Zéro. « J’ai eu des problèmes d’alcool. J’en parle facilement. Pour moi, c’est du militantisme. Tous les milieux sociaux sont touchés par ce problème. » Étrange entrée en matière à La Chope. Rassurante aussi. Je sentais la confiance de quelqu’un qui a fait le tour de beaucoup de choses, mais qui continue d’avancer, de s’enthousiasmer. Boulonnais d’origine, né de parents profs de philo et de français, il n’y avait pas d’artiste dans la famille, excepté « mon arrière-grand-père qui était pompier au théâtre de Grand Guignol, ma grand-mère qui faisait du comique troupier lors de la Seconde Guerre mondiale et ma mère qui a toujours créé des spectacles en amateur. Si je n’avais pas été artiste, elle aurait été très déçue. J’ai beaucoup de chance ». Après la fac philo à Lille, « je ne comprenais rien. Pour moi, la philo, c’était de la poésie pour rendre la vie plus belle », il s’inscrit à l’école de la « Rue Blanche » à Paris. « Cette école, c’était Fame. Tous les métiers du théâtre étaient représentés. J’ai rencontré Alain Knapp, formidable pédagogue qui m’appris à lire un texte, à en avoir une approche plus sociale, très marxiste. Il m’a aussi fait sortir de l’image du théâtre que j’en avais, rideau rouge et commedia dell’arte. » C’est à la Rue Blanche qu’il crée le groupe musical « Les Fouteurs de Joie » à l’occasion d’une tournée itinérante en roulotte. Le groupe sera d’ailleurs Avignon cet été. Devant son Coca Zéro, Nicolas revenait avec délice et jovialité sur son passé. Celui d’acteur de cinéma avec Bruno Bontzolakis : « La montée des marches à Cannes pour le film Familles, je vous hais, une salle pleine, notre arrivée sur la scène suivie par des poursuites. » De cette tournée de trois ans à travers le monde dans Le Cid, mis en scène par Declan Donnellan, et cette première catastrophique à Avignon, enchaînant gaffes sur gaffes « le cauchemar pour un acteur ». Dans La Chope, tous le monde l’écoutait et riait avec lui. On sentait l’habitué des comptoirs, la proximité avec les gens, du plaisir de partager et d’échanger. « Je me sens marginal par rapport au monde de la culture. Il y a beaucoup de baronnie, de snobisme, je m’y sens mal à l’aise. Les artistes sont déconnectés, vivent entre eux, ne voient pas le monde tel qu’il est. Je préfère les gens avec moins de talent, mais plus humains. » Tout le monde acquiesçait à La Chope, comme se sentant concerné. « Je t’offre un verre », lui dit Samir. Une grande première. Nicolas semblait heureux d’être là. « Je revendique ce mot populaire. C’est un mot noble. La culture populaire est vivante, grouille d’ingéniosité. Elle s’adresse à tout le monde. La culture devrait être plus généreuse. » Nicolas croulait sous les projets, mettant en scène d’autres artistes, tournant avec « Les Fouteurs de Joie », préparant son prochain spectacle sur la dentelle de Calais. Il a également créé une école de théâtre à Ruminghem « avec des gens formidables ». Il reprit un Coca Zero et, levant son verre, dit à l’assemblée : « Le pire qu’il puisse arriver à quelqu’un, c’est de rester chez lui. » J’étais bien à La Chope avec Nicolas et les copains.

Pour en savoir plus : hyperboleatroispoils.com.