Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Perrine Fovez, comédienne et metteuse en scène

Publié le 23 octobre 2020 à 16:59

Perrine et moi étions navrés devant le rideau de fer de La Chope. J’aurais aimé la présenter aux copains. Tans pis. On marcherait dans les rues désertes avec Günther qui, depuis quelques jours, avait repris son statut de laissez-passer après 21 h. En guise d’introduction, les premiers mots de Perrine furent : « Ce que je fais dans la vie, ce n’est pas pour rien », comme pour me dire avec pudeur que son parcours n’était en rien un hasard. Comédienne et metteuse en scène, c’est en voyant 501 Blues de Bruno Lajara qu’elle a réellement su ce qu’elle voulait faire sur scène. « Ce jour-là, j’ai compris que je ne voulais plus jouer pour faire semblant, mais pour être. » Le début de l’histoire, c’est sa mère qui l’inscrit à 9 ans dans un atelier de théâtre à Béthune. « Enfant, j’étais fatigante, je parlais tout le temps. Au début, j’ai cru que c’était un cours de relaxation. Mais c’est sur le plateau que je me suis sentie vivante, valorisée, respectée pour ce que j’étais. C’est ce professeur qui a fait en sorte que je fasse option théâtre au lycée. J’étais en même temps ouvreuse au Centre dramatique national de Béthune, j’y allais voir des spectacles, j’y faisais mes devoirs. J’y passais mes journées. » On s’est assis sur le banc de la place Louise-Michel et elle m’a dit : « Ma vie, c’est une histoire de rencontres. J’ai pris les mains qui m’étaient tendues. » Nous avons retiré notre masque, fumé une cigarette et Günther a pété. Un semblant de normalité. Perrine est aussi responsable pédagogique du projet « Classe Départ » de l’Envol, présent à Béthune et Arras. « Cette méthode, que nous avons mis quatre ans à écrire, s’adresse à des jeunes, des décrochés scolaires, sociaux, familiaux, pour leur redonner, durant sept mois, la force d’être des citoyens et d’affronter la vie par l’art.  » Ils sont les protagonistes du film Ce sentiment d’inachevé brûle nos yeux humides de Bruno Lajara. Tourné avec sept jeunes de Béthune, ce docu-fiction nous fait partager les dernières heures des répétions d’un spectacle qui ne se jouera finalement jamais, en raison de la Covid. On y voit Perrine dirigeant avec passion ces jeunes, Flavien Riez les pousser toujours plus loin dans le chant, Johanna Classe peaufinant les chorégraphies, le tout avec bienveillance, engagement et rigueur, une véritable expérience artistique partagée. C’est une famille soudée que l’on suit durant une heure, avec ses tensions, ses découragements, ses angoisses et ses rires, le tout d’après le texte de Gérald Dumont : On nique la mort. Tournée en juin à l’Escapade d’Hénin-Beaumont, « ce film, est une aventure. Je connaissais le fond, mais je n’ai découvert la forme que pendant le tournage. Je me suis sentie investie d’une responsabilité sans avoir pu travailler en amont. Il fallait lâcher prise. C’était difficile. En revanche, j’ai été étonnée de la façon dont les jeunes se sont laissé emporter, se sont sentis libres malgré les contraintes. Il y avait une réelle confiance entre nous. » Nous ne bougions plus de notre banc, il commençait à faire froid, mais Perrine était intarissable. « Classe Départ est un acte politique, pas seulement une pensée politique. C’est un enjeu de société, une volonté de transformation concrète. La jeunesse est l’avenir. Il faut qu’elle retrouve de l’espoir pour avoir la force de faire, qu’elle trouve sa liberté dans les cadres qui lui sont imposés. » Ce n’étaient pas que des mots, effectivement. Ils étaient à l’image de Perrine : volontaires et optimistes. Ils auraient réchauffé n’importe qui. Alors, quand elle est parti, je suis resté encore longtemps, malgré le froid, sur ce banc, Günther à mes pieds.

Ce sentiment d’inachevé brûle nos yeux humides de Bruno Lajara, les 4 et 6 novembre à l’Étoile Cinémas de Béthune, 379, avenue de Lens. Infos et réservation : sylvie.gallet @ etoile-cinemas.com ou etoilecinemas-bethune.fr.