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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Robin Sen Gupta, « dénicheur de talents » et producteur

Publié le 13 octobre 2021 à 17:23

Robin parle vite, accoudé au comptoir de La Chope étonnamment vide. Le verre de rouge lui permet de faire parfois une pause. Pas sûr que je puisse relire mes notes. Tourneur de Marcel et son orchestre, Lénine Renaud, Tonycello, PMQ, entre autres, il est né à Lille d’un père indien et d’une mère monsoise. C’est là qu’il vit aujourd’hui. « Je suis arrivé par hasard à la musique. Après des études de lettres modernes, j’ai fait les vendanges avec le chanteur des “Blaireaux”. Il m’a demandé d’être le manager du groupe. C’est ce que j’ai fait pendant dix ans. En 2015, j’ai créé Le Terrier Production en SARL. On ne se reverse pas de dividendes. » Il me parlait avec passion de ce travail de producteur. « J’ai bossé chez Decathlon. Pour moi, c’est plus facile de vendre des projets artistique que des sacs à dos. Je vends de l’humain. Mais contrairement à l’idée que l’on se fait du producteur avec un gros cigare, c’est une économie fragile. C’est un sacerdoce. » Robin, en 20 ans, a vu l’évolution de la production musicale. Quand il a commencé, l’industrie du disque fonctionnait et le nombre de ventes d’albums était un indice de remplissage des salles. Internet était marginal. À mesure que le verre se vidait, Robin parlait de plus en plus vite. « Aujourd’hui, il y a un de plus en plus de projets. Abondance de biens finit par nuire... Plein de gens s’expriment, mais la production est difficile à obtenir. Je parle pour une structure comme le mienne qui est artisanale. » C’est vrai qu’il y a un effritement du public, à cause notamment des gros festivals, excepté pour les artistes qui ont de gros moyens médiatiques. Lui et moi étions tous les deux de la génération du CD. Robin n’était pas dupe. « Sortir un album permet d’avoir une actualité pour le groupe. S’il est produit par un label, cela donne de la crédibilité. C’est un outil pour travailler et convaincre, mais sur le plan économique, je ne suis pas convaincu. Maintenant, tout passe par le Web, le streaming. C’est la fin du CD. La preuve, il n’y en a plus sur les autoradios de voitures. » Il avait beau parler vite et reprendre un verre de rouge, Robin était clair et limpide, connaissant parfaitement son sujet. Il me parlait de ses intérêts pour la chansons, les textes, cherchant des vrais groupes de scène, ne voulant travailler qu’avec des artistes partageant ses valeurs éthiques et politiques et proposant des projets à contre-pied, « qui peuvent paraître ringards mais qui sont au cordon, comme PMQ, le prochain spectacle de Lénine Renaud autour de la peinture ou celui sur Jean Ferrat. Comme eux, il faut aujourd’hui proposer des spectacles augmentés, des expressions transversales. On ne peut plus défendre un artiste qu’avec son répertoire. Je ne travaillerai plus jamais avec des humoristes dont un seul de leurs cachets permettrait à des groupes d’organiser une tournée. Je viens du rock, de l’autoproduction, de la simplicité ». La politique est en filigrane chez lui, jamais ostentatoire, comme d’avoir accueilli durant quatre ans chez lui un jeune Guinéen. « C’est la plus belle chose que j’aie faite. Il m’a appris beaucoup sur la bienveillance, ne pas être généreux qu’envers les siens. » Robin n’avait pas de gros cigare. Il n’avait que sa bite, son couteau et son acharnement pour bouger les choses, pour « être au service des artistes » comme il aimait à définir son métier. « Je voudrais que le monde soit bienveillant. Je crois que j’ai envie de douceur. » Non, il n’avait vraiment pas de gros cigare. Il a repris un verre de rouge.

Infos : leterrierproductions.com.