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Les chroniques de JPM à La Chope

Rencontre avec Sarah Nouveau, danseuse

Publié le 11 juin 2021 à 16:27

Au préalable, je googlise toujours un peu celle qui partagera un moment avec moi à La Chope. J’avais vu qu’elle serait à Avignon cet été et que sa compagnie s’appelait « Le quadrille des homards ». Ça me turlupinait un nom comme ça. Je comprenais tous les mots, mais pas le sens. Alors, quand Sarah s’est assise en face de moi et a commandé un thé, je suis rentré dans le vif du sujet, histoire de me débarrasser d’une question sans doute pas fondamentale mais qui m’aurait pourri l’interview. « J’ai créé cette compagnie en 2010, quand je suis revenue dans le Nord. J’avais commencé la danse à Dunkerque. Je faisais plutôt du classique. Pas très bavarde adolescente, cela me permettait de m’exprimer. Je suis vite partie à Paris. Je faisais de la philo à la fac, comme un bagage de secours. J’aimais ça, mais je voulais vraiment aller vers le corporel. » Il y avait dans sa façon de s’exprimer une absence totale de mots inutiles, allant toujours à l’essentiel. N’empêche, elle ne répondait pas à ma question. « À Paris, j’ai intégré les Rencontres internationales de danse contemporaine. J’y ai rencontré de gens formidables, qui m’ont donné confiance, notamment une historienne de la danse, Laurence Louppe, femme géniale avec une culture immense. Je me suis vraiment formée auprès d’elle. C’est aussi Nadine Abad, qui m’a ouvert au théâtre corporel pendant six ans. Mes débuts n’étaient pas simples, Je donnais des cours. Puis différentes troupes m’ont permis de commencer à travailler, aussi bien en danse contemporaine qu’en baroque. » Sarah est enseignante d’histoire de la danse au conservatoire d’Amiens et intervient en art thérapie. Si je ne m’étais pas renseigné, jamais elle ne m’aurait dit qu’elle avait publié trois ouvrages sur la danse chez L’Harmattan et qu’elle prépare actuellement une conférence dansée participative autour du land art. « Et le “quadrille du homard”  ? » je lui demandais. « J’ai écrit et interprété plusieurs solos chorégraphiques, dans lesquels j’ai toujours cherché une danse singulière, sensible et improvisée, en quête de mouvements non codifiés, un langage non existant, en mettant l’accent sur l’intériorité. » Je revenais à la charge. « À 19 ans, je voulais entrer au TND d’Angers. J’ai passé trois fois le concours sans être prise. Ce fut une grosse déception. Je me disais que tout était fini. Et puis finalement, j’ai compris qu’il n’y a pas que l’autoroute. D’autres chemins sont possibles. » Sarah me parlait beaucoup du langage. C’est d’ailleurs la thématique de son prochain spectacle, C’est-a-dire, co-produit par la compagnie Franche Connexion, qui sera présenté à Avignon. « J’ai fait un travail de recherche et documentaire sur l’origine du langage, passant de la verticalisation de l’homme, comment il a articulé, l’ordre des signes. J’ai rédigé le texte d’une conférence. Je l’ai laissé ouvert, puis en répétition, avec Marie-Jo Dupré qui a également réalisé les vidéos, nous avons cherché à le faire éclater par le langage du corps. Cela peut créer des situations de trouble, ou tragi-comiques. Avec Stéphane Titelein (metteur en scène) et Pascaline Verrrier (chorégraphe), nous avons finalisé le spectacle en avril 2019. » Réglant l’addition au comptoir, j’ai vu Sergio s’asseoir à côté de Sarah. Ils échangeaient quelques mots. À mon retour, elle me dit au revoir en me disant : « On n’est jamais à l’abri du meilleur. » En buvant ma mousse, Sergio me dit : « Le “quadrille du Homard”, c’est une référence à Alice au Pays des Merveilles. Sarah vient de me le dire. » J’ai rien répondu. J’ai fini ma bière. Parfois, je ne l’aime pas, Sergio.