Les chemins du possible invitent Toréadors à l’Espace Marx

Un monde capitaliste où tous les coups sont permis

Théâtre

par Philippe Allienne
Publié le 31 janvier 2020 à 19:14

« Dans une société en crise, ton frère devient ton pire ennemi  ». Ainsi pourrait-on résumer, comme le propose le comédien Éric Paul, la pièce Toréadors qu’il jouera avec Merouan Talbi le 12 février à l’Espace Marx (Hellemmes-Lille). Tous deux l’avaient déjà interprétée à Raismes, dans le cadre du Printemps culturel du Valenciennois, puis à Hem. « Aujourd’hui, nous souhaiterions la diffuser le plus largement, d’autant que, si elle a été écrite il y a 20 ans, elle apparaît d’une actualité brûlante  », disent-ils. Elle interroge l’homme et sa place dans la société et « dévoile, avec ironie, le naufrage de [cette société], organisée, codée et structurée autour du monde du travail.  »

Toréadors, c’est la rencontre improbable de deux personnages pauvres mais issus de milieux différents. Momo (Merouan Talbi) tient une laverie. Débonnaire, sympa, volontiers tchatcheur, il cause de tout et de rien. Il a des idées sur le monde qui va, il a de la personnalité, mais pas de conscience politique.

Ferdinand est un cadre au chômage devenu SDF. Il observe, il écoute, il laisse dire. Lorsqu’il entre dans la laverie, pour faire nettoyer un vêtement tâché, il observait déjà Momo depuis quelques jours. Il ne procède jamais au hasard. Il est volontiers cynique, sans principe ni morale. Les deux hommes vont se jauger, s’opposer, et, au moins en apparence, se rapprocher. Ferdinand a besoin de trouver un emploi, coûte que coûte. C’est une question de survie. Momo, qui vit chichement, a besoin de parler. Tous deux sont des solitaires. Mais entre le brave gars et le cynique, le combat n’est pas loin. De la paisible laverie, l’auteur nous trans- porte au sein d’une arène, avec passes de muleta.

© Philippe ALLIENNE

À travers cet échange, le dramaturge Jean-Marie Piemme, ici mis en scène par Alain Duclos, nous donne à voir un monde capitaliste, libéral, où tous les coups son permis. «  Nous assistons au délitement d’une société qui a perdu toute règle », commente Éric Paul. C’est l’association Les chemins du possible qui, en partenariat avec Liberté Hebdo et Espaces Marx Région Nord, a eu la bonne idée de produire cette pièce à Hellemmes. Créée en 2013, l’association s’inscrit dans l’esprit de l’éducation populaire. « Elle s’inspire des idéaux et des principes émancipateurs du programme de la Résistance  », rappelle son secrétaire Jean-Claude Cuvelier. Elle programme ainsi des spectacles vivants en résonance avec les grandes questions de société. Systématiquement, la représentation se prolonge sur un débat avec le public.

« Nous avons commencé à travailler sur ce rendez-vous en novembre dernier, dit Jean-Claude Cuvelier. L’actualité nous a rattrapé et nous donne l’occasion d’inscrire cette soirée dans le cadre de la lutte contre la réforme des retraites. Le projet néo-libéral du gouvernement vise à casser toutes nos structures de solidarité. » C’est ainsi, en effet, qu’il faut lire la pièce de Piemme. L’ensemble de la recette sera reversé à la caisse de solidarité des cheminots en lutte.