© Pascal Perennec
Rinaldo de Haendel à l’Atelier lyrique de Tourcoing

Un Rinaldo tout feu tout flamme… et fantasmagorie

par PAUL K’ROS
Publié le 18 novembre 2021 à 22:20

C’est une histoire de déchirement amoureux sur fond de croisade vers Jérusalem du temps de l’an mille ; c’est surtout un opéra magistral composé, dit-on, en deux semaines seulement par Georg Friedrich Haendel et créé en 1711 à Londres. La Co(opéra)tive, un bien beau nom, a eu le nez fin en choisissant cette œuvre lyrique foisonnante et fantasque pour sa troisième aventure lyrique collective et la main heureuse en confiant la mise en scène à Claire Dancoisne, dont on connaît l’art et l’adresse, avec sa compagnie la Licorne, à goupiller et bricoler moult machineries fabuleuses et autant d’extravagantes créatures aux allures aquatiques, terrestres ou volatiles selon les circonstances intrigantes. Ainsi donc Godefroy de Bouillon (Goffredo campé par l’alto Blandine de Sansal) s’en part bêtement guerroyer loin de chez lui. Ce descendant de Charlemagne est flanqué du jeune Rinaldo (Renaud), qui passe pas mal de temps à bichonner et tourne visser son cheval, lequel n’étant pas de bois croit dur comme fer à la victoire finale qu’il saluera en hennissant éperonné par un Rinaldo aussi impavide que Buster Keaton dans ses plus folles équipées. Le contre-ténor Paul-Antoine Bénos-Djian, tout feu tout flegme, vante principalement avec moult ornementations virtuoses, les louanges d’Almerina (fille de Goffredo) qui lui a été promise en cas de victoire. La belle énamourée (Emmanuelle de Negri, soprano), surgie comme par miracle d’un brasero géant, répond avec chaleur aux accents de son bien-aimé qu’elle pleure ensuite dans un air fort célèbre. Car il faut compter avec les tortueux desseins du camp d’en face. Argante, chef Sarrazin, qui en pince aussi pour la jeune femme (Thomas Dolié, voix de basse sombre à souhait), propose un cessez-le-feu histoire de gagner du temps et d’évincer Rinaldo du champ de bataille. Pour parvenir à ses fins il appelle à la rescousse la magicienne Armida (Aurore Bucher, soprano) dont l’arrivée rutilante sur un dragon fumant fait d’autant plus sensation qu’elle a la cuisse avenante et le regard foudroyant. Seulement voilà, la sorcière Sarrasine n’est pas insensible à la beauté du preux chevalier chrétien à qui elle rend sa liberté.

C’est tout plaisir… tous publics

Tout finira donc bien si l’on veut toutefois laisser de côté les désastres de ces guerres de conquête sous couvert de religion. L’auditeur quant à lui est sous le charme de la musique Haendélienne, conduite avec clairvoyance par le contre-ténor Damien Guillon à la direction de son ensemble orchestral le Banquet Céleste, et le spectateur retrouve ses émerveillements d’enfance, ébloui par la cascade de trouvailles visuelles de Claire Dancoisne, tantôt poétiques, tantôt magiques, tantôt franchement cocasses. Ça passe du brochet à l’œil vif et aux nageoires épatées et épatantes au cheval ferraillant, relaté plus haut ; ça continue du dragon faramineux fulminant aux oiseaux moqueurs et rockeurs ; ça s’égare au chant des sirènes alléchantes sur une mer démontée et ça se coltine au rythme des rangées de soldats de plomb allant mécaniquement à la bataille ; ça valetaille enfin sans vergogne au gré des agissements de deux supplétifs animaliers loufoques et zélés (Gaëlle Fraysse et Nicolas Cornille, comédiens) C’est tout plaisir et tous publics et celui, particulièrement divers, de l’Atelier lyrique de Tourcoing l’a bruyamment manifesté en ces après-midi de week-end automnal.

Rinaldo de Georg Friedrich Haendel, une production de la Co(opéra)tive, mise en scène Claire Dancoisne, théâtre de la Licorne ; direction musicale Damien Guillon, Le Banquet Céleste. C’était à l’Atelier Lyrique de Tourcoing, théâtre Raymond-Devos.

La Co(opéra)tive regroupe quatre théâtres, les scènes nationales de Besançon, Dunkerque, Quimper et le théâtre Impérial de Compiègne, ayant décidé d’unir leurs forces pour créer des opéras accessibles à un large public dans une grande diversité de théâtres. Infos : lacoopera.com. En région : à Dunkerque (lebateaufeu.com / 03 28 51 40 40) et à Tourcoing (atelierlyriquedetourcoing.fr).