« Bastien et Bastienne » de Mozart, création marionnettique à l’opéra de Lille

Une pastorale moderne espiègle et enjouée

par PAUL K’ROS
Publié le 22 janvier 2021 à 17:23

Au mitan de la scène, un arbre dépourvu de tout feuillage, réduit à sa sombre ramure comme pour mieux figurer l’hiver passager des sentiments amoureux, qui refroidit et grippe les rapports entre Bastien et Bastienne, les deux héros de ce singspiel (théâtre-opéra parlé-chanté) en un acte et sept tableaux composé par un Mozart juvénile d’à peine 12 ans. Ce gel des amours champêtres est toutefois tempéré par un incessant flux et reflux d’eaux marines qui, noir sur blanc, vont et viennent, se croisent, se partagent et se départagent à l’envi sur un écran vertical en fond de scène. Par un bel effet visuel, les vagues en mouvement perpétuel viennent ainsi flirter avec l’arbre jusqu’à son sommet titillant l’imaginaire du spectateur.

L’œuvre d’un Mozart juvénile

Nous sommes, il faut le préciser, à l’opéra de Lille où se crée en ce mois de janvier 2021 le Bastien et Bastienne de Mozart, transformé en opéra marionnettique par la volonté conjointe du chef Arie Van Beek à la tête de l’orchestre de Picardie et de la metteure en scène Sylvie Baillon, directrice du centre de la marionnette le Tas de Sable-Ches Panses Vertes. Précisons pour l’histoire que cette création se fait en presque catimini (réservé à un public de professionnels et à la presse) puisque la Covid-19, au mépris de toute connaissance artistique et musicale, persiste à vouloir donner le La en matière de fréquentation culturelle. Mais revenons à nos personnages qui occupent le devant de la scène cependant que l’orchestre a pris place sous l’arbre précité. Dans un premier temps, nos deux héros viendront à tour de rôle exposer leurs doutes et leurs émois par le truchement de leur double (fragiles et malhabiles marionnettes, grandeur nature) et la voix aux intonations slaves de la marionnettiste-narratrice (Jurate Trimakaité) ; dans un second temps, débarrassés de leur chrysalide de fil de fer et de papier intissé et gonflés à bloc par les manigances de Colas, le rebouteux du village à qui ils se sont confiés, ils rivalisent et s’aiguillonnent comme deux petits coqs en duos virevoltants.

Une bouffée d’air frais

La soprano Marthe Davost campe une Bastienne déterminée à faire feu de tout bois et d’inépuisable rouerie pour s’attacher son amant. Le ténor Maxime Melnik donne à Bastien une candeur juvénile persistante teintée de quelques claironnants accents bravaches. Quant au baryton-basse Sreten Manojlovic (Colas), bien qu’emberlificoté dans un double manteau empesé de fanfreluches et gris-gris de tout poil et coiffé d’un encombrant chapeau à roue, il donne corps et voix à son imagination d’intercesseur prolixe en formules magiques. La musique du jeune Mozart fait merveille sous les coups de baguette magique d’Arie Van Beck. Les costumes (Sophie Schaal et Bertrand Sachy) reprennent des couleurs à mesure que les sentiments s’échauffent. Cette nouvelle création en région Hauts-de-France délivre une salubre bouffée d’air frais, espiègle à souhait, qui ferait le plus grand bien au moral du public de tous âges et conditions pour lequel elle a été conçue ; la jeunesse en tout premier.

(Photo : © Frédéric Iovino)