Une semaine au cinéma

De la Hongrie à la Chine, entre police corrompue et culture du deuil

par Michèle Loth
Publié le 17 janvier 2020 à 20:49 Mise à jour le 20 janvier 2020

> Les siffleurs. Cristi, inspecteur de police à Bucarest, joue un double jeu. En façade, il soutient l’enquête de sa supérieure Magda, décidée à arrêter d’importants trafiquants de drogue. Des trafiquants dont il est complice en souterrain. Pour récupérer des millions cachés par les mafiosi, il fait libérer un des leurs avec le soutien de Gilda, une amie impliquée dans le trafic de drogue qui lui apprend le « silbo » , langue sifflée ancestrale de l’île de Gomera, outil de communication qui échappe à la compréhension des enquêteurs de police. Le cinéaste roumain Corneliu Porumboiu nous entraîne dans une enquête opaque dont il faut suivre les rebondissements au long de chapitres consacrés, sans ordre chronologique, à chacun et chacune des protagonistes d’une histoire abordée de manière ludique, avec de nombreuses références cinématographiques et musicales.

Le scénario intrigant est mis en scène de manière inventive et déroutante. Les acteurs et actrices Vlad Ivanov et Catrinel Marlon jouent ou surjouent volontairement des personnalités ambiguës, mémoires de l’histoire du cinéma. Les siffleurs est un film plaisant qui nécessite qu’on se laisse porter par les évènements sans en chercher une logique immédiate et dont on peut apprécier la beauté de la dernière scène ou son visuel un peu kitch.

> L’Adieu.

Lulu Wang, réalisatrice sino- américaine, met en scène son histoire familiale marquée par la dualité de ses origines culturelles. Lulu pourrait être Billi dans le film, une jeune fille qui vit aux États-Unis avec ses parents et qui apprend que sa grand-mère Nai Nai a un cancer incurable. En Chine, il est de tradition de taire la vérité aux patients, la famille décide alors de trouver un prétexte pour se réunir autour de Nai Nai, ce prétexte sera le mariage du cousin de Billi. La jeune fille ne supporte pas cette décision qui, selon elle, l’empêcherait de dire adieu à sa grand- mère.

Billi reflète les interrogations de la cinéaste concernant les transformations économiques et culturelles de la Chine, la disparité générationnelle dans la manière d’aborder le deuil, le déracinement lié à la dispersion de la famille fondement de la société chinoise et les difficultés à s’intégrer dans le pays d’exil. La colère de Billi cache une émotion qu’elle ne peut exprimer lors du rituel familial autour des repas ou que Nai Nai met à distance pour privilégier le bonheur des souvenirs familiaux. Le film de Lulu Wang s’inscrit dans les problématiques actuelles du cinéma chinois avec quelques scènes intenses et d’autres qui tiennent le spectateur à distance de la douleur, signe peut-être de l’ambivalence culturelle de la cinéaste. Billi Awkwafina, rappeuse et actrice a obtenu un Golden Globe pour son premier rôle en tant que jeune actrice.