À voir cette semaine

Des films ancrés dans la réalité

par Michèle Loth
Publié le 4 septembre 2020 à 15:05

>Effacer l’historique Marie, Bertrand et Christine vivent dans un lotissement d’une ville moyenne des Hauts-de- France. Ils se sont connus sur un rond-point durant les luttes menées par les « Gilets jaunes ». Leurs vies se sont précarisées en raison de lourdes difficultés personnelles et d’addictions à tous les réseaux du Gafa [1], promesses d’une solution à tous leurs problèmes, solutions qui s’avèrent plus virtuelles que réelles. Dans une comédie aux instants loufoques, Benoît Delépine et Gustave Kervern lancent un cri d’alarme sur les dangers des nouvelles technologies numériques qui déshumanisent notre société et provoquent des situations absurdes et risquées. Victimes de ces tentations dangereuses, Marie, Bertrand et Christine décident d’être solidaires dans leurs luttes contre les géants du numérique, une lutte qui provoque des gags successifs et qui montre la puissance de ces multinationales présentes dans tous les pays du monde.L’alerte sur la dangerosité des Gafa donne lieu à des moments jubilatoires inégalement réussis qui accompagnent une prise de conscience sur l’avenir d’hommes et de femmes qui s’enfoncent dans la précarité, trame d’un film profondément humaniste. Tous les acteurs choisis par les réalisateurs jouent parfaitement ce double rôle dans une tragicomédie qui évoque l’ensemble des questions sociales et morales liées à l’évolution d’une économie dont le moteur virtuel est basé sur la dépendance et le profit.

> Petit pays [2]

Éric Barbier a adapté au cinéma le livre Petit Pays en accord avec son auteur, Gaël Faye, récompensé par le prix Goncourt des lycéens en 2016. L’auteur y fait le récit de sa jeunesse au Burundi avec un père entrepreneur français et colonisateur et une mère tutsi née au Rwanda, une jeunesse traumatisée par les assassinats de Tutsis au Burundi et le génocide au Rwanda en 1994. Le quotidien de Gaby et Ana, enfants joueurs et insouciants, est perturbé par la séparation de leurs parents et bascule progressivement dans l’horreur d’une guerre civile. Témoins et victimes d’événements qui les dépassent, les enfants ne comprennent pas que certains de leurs amis puissent devenir leurs ennemis avec une brutalité criminelle. La guerre et le génocide se reflètent sur le visage de Gaby qui perd son innocence et assiste à des scènes terrifiantes où on l’oblige à choisir son camp, lui qui avait le sentiment de pouvoir dire qu’il était français, burundi et tutsi. Le génocide des Tutsis au Rwanda a fait des centaines de milliers de morts et le film n’élude pas les conséquences dramatiques des prises de position contestables de l’État français. Avec les dernières images du Burundi et les paroles de la chanson de Gaël Faye « une fleur et un stylo apaisent mes insomnies loin dans mon exil, petit pays d’Afrique des grands lacs... quand l’Afrique se reconstruit sur ses fosses communes... », le message est à la fois terriblement réaliste et porteur d’espoir. Comme le film, admirablement interprété par les jeunes acteurs parmi lesquels Djibril Vancoppenolle dans le rôle de Gaby.

À découvrir également

> Never Rarely Sometimes Always qui décrit le parcours d’une jeune fille contrainte d’aller à New York pour obtenir l’autorisation d’interrompre sa grossesse, un sujet d’une grande actualité aux États-Unis.

>Family Romance, le film de Werner Herzog, dont le thème est centré sur un phénomène qui existe au Japon, celui de louer des acteurs pour jouer le rôle de personnages à la demande de familles. Ici, un « père » censé rencontrer sa fille. Le réalisateur mêle ainsi fiction et réalité.

> A Perfect Family qui aborde intelligemment les réactions d’Emma, une jeune adolescente confrontée à la transformation de son père en femme et qui exprime l’évolution de ses sentiments avec une sincère affection.

Notes :

[1Acronyme qui désigne les quatre grandes entreprises américaines du numérique : Google, Amazon, Facebook, Apple.

[2Attention à certaines scènes qui peuvent heurter la sensibilité du jeune public.