« Les Invisibles »

Elles peuvent enfin crever l’écran

par MICHELE LOTH
Publié le 18 janvier 2019 à 21:26

Avec Les Invisibles, Louis-Julien Petit, le réalisateur de Discount, s’adresse encore aux consciences, mais en soignant l’émotion et la dérision.

On les voit dans les villes au coin des rues, dans les gares avec leurs bardas et parfois un chien, compagnon d’infortune. Ils abordent les passants pour demander une pièce. Les passants s’arrêtent ou passent leur chemin sans savoir qui sont ceux que l’on appelle les SDF. Parmi eux, les plus invisibles sont les femmes car elles craignent les actes de violence à leur égard. Ce sont elles que Louis-Julien Petit a choisies pour être les actrices de son film Les Invisibles.
Le réalisateur de Discount espère de nouveau éveiller les consciences avec un film inspiré du livre documentaire de Claire Lajeunie qui a passé six mois avec des femmes SDF dans les rues de Paris. Louis-Julien Petit a rencontré une centaine de ces femmes dans les centres d’accueil de Grenoble, Arras, etc. Il a réalisé une comédie sociale intégrant les travailleuses sociales, autres invisibles, interprétée par des actrices professionnelles et des femmes qui ont connu la rue. La comédie alterne moments d’émotion et moments de dérision, l’humour étant « le seul moyen de rendre accessible un sujet dur qui fait peur » et de découvrir ainsi l’humanité de ces femmes qui ont disparu aux yeux de la société.

Indifférence politique et indigence sociale

Le scénario du film aborde une autre réalité : le manque de places dans les centres d’accueil et l’insuffisance de moyens pour permettre la réinsertion de ces SDF dont on découvre qu’elles ont un passé avec des atouts qui leur permettraient de sortir de la rue si elles ne se heurtaient pas à l’indifférence de certains pouvoirs politiques et à l’indigence des moyens accordés aux travailleurs sociaux.
Dans le film de Louis-Julien Petit, des travailleuses sociales combatives refusent la décision de fermeture de leur centre d’accueil en créant des ateliers consacrés aux talents de celles qui devraient obtenir la chance de travailler et de retrouver leur dignité, une manière de garder la tête haute. « J’ai eu envie de rire, d’espoir, de force », déclare le cinéaste.
Aux côtés de Corinne Masiero, Audrey Lamy et Hélène Lvovsky, les femmes invisibles contribuent à la réussite du film, telle Chantal (Adolpha Van Meerhaeghe) qui a appris en prison à « réparer » les objets, un puissant symbole.
Le film attise les consciences, amuse, bouleverse. C’était le but du réalisateur et de son équipe de comédiennes.

« Les Invisibles » intègre au casting femmes à la rue et travailleuses sociales.
© JC Lother