> Le retour des hirondelles Il existe des moments intenses au cinéma et le film de Li Ruijun en est un. Le réalisateur accomplit un exploit remarquable, celui de nous enchanter avec une réalisation d’une grande simplicité où chaque geste des acteurs est un moment d’émotion. L’histoire n’est pourtant pas un conte de fées mais plutôt une plongée dans le quotidien de Ma Youtie et Cao Guiying, un couple de paysans rejetés par leurs familles respectives et unis par un mariage arrangé. La tendresse et le courage face aux épreuves liées à la dureté du travail et aux transformations du monde agricole donnent lieu à des dialogues et à des échanges gestuels qui subliment progressivement un amour confronté à l’aléatoire d’un avenir que le couple s’évertue à améliorer malgré les signes d’alerte sur la détermination du pouvoir à rentabiliser les terres au détriment du petit peuple paysan. La réalisation de Li Ruijun est bouleversante grâce à sa mise en scène intimiste magnifiée par l’interprétation exceptionnelle des deux acteur et actrice Wu Renlin et Hai-Qing. Le gouvernement chinois a censuré cette réalisation dont il exigeait une fin plus idyllique que celle filmée par le cinéaste, une sommation à laquelle Li Ruijun ne s’est pas soumis.
> Pour la France Le film réalisé par Rachid Hami va au-delà d’un hommage émouvant à son frère mort à l’école militaire de Saint-Cyr lors d’un « rituel d’intégration » qui a dérivé en « bahutage » selon les termes édulcorés des responsables militaires. Rachid Hami consacre une partie de son film à la volonté de reconnaissance d’homicide à l’égard d’un fils qui avait choisi de servir un pays qu’il considérait comme le sien et à la volonté parallèle d’exiger de la part de l’armée un enterrement digne de cet engagement. L’autre volet du film est la plongée dans une histoire familiale qui commence en Algérie et qui trouve sa continuité en France après la décision de la mère d’emmener ses enfants loin d’un pays troublé par l’influence du Front islamique du salut (FIS) pour leur offrir ainsi la chance de bénéficier d’une éducation à la hauteur de ses espérances. Aïssa est celui qui répond à cette espérance en intégrant Saint-Cyr après avoir fait Sciences Po alors que son frère aîné Ismaël suit un chemin plus chaotique. Le décès d’Aïssa ravive tous les souvenirs d’une relation difficile entre les frères, une relation impactée par une enfance marquée par les racines familiales ancrées tout à la fois dans un pays de départ et un pays d’accueil, celui où est mort Aïssa. Pour la France est un film qui raconte en nuances le vécu du cinéaste, un vécu qui pourrait être celui de nombreux immigrés en quête intime de leur identité mais dont la particularité dramatique est celle d’un fils décédé au moment où il avait choisi de rejoindre l’armée française. Les dernières scènes du film apparaissent comme essentielles dans l’aboutissement de cette quête d’une dualité culturelle qui enrichit la citoyenneté choisie par Aïssa et Ismaël, dont les rôles sont interprétés avec sobriété par Karim Leklou et Shaïn Boumedine qui laissent transparaître l’émotion du cinéaste lors d’une ultime scène de réconciliation et de complicité entre les deux frères.
> Emmett Till La réalisatrice Chinonye Chukwu a choisi l’actrice Danielle Deadwyler pour incarner le rôle de Mamie Till-Mobley, unique femme noire à travailler pour la US Air Force qui, à la suite de l’assassinat de son fils, devient une militante active en faveur des droits civiques, sociaux et éducatifs pour la communauté américaine noire. Une mise en scène classique dédiée avec efficacité aux combats du peuple américain noir pour la reconnaissance de sa citoyenneté, une citoyenneté encore et trop souvent mise à mal par des actes marqués par la violence raciste.
