« Le silence des autres »

Pour rompre avec l’oubli du franquisme

par MICHELE LOTH
Publié le 21 février 2019 à 15:18

Almudena Carracedo et Robert Bahar signent un documentaire saisissant produit par Pedro Almodóvar sur le combat des victimes de Franco et son régime.

En 1977, deux ans après la mort de Franco, le gouvernement espagnol fait voter la loi d’amnistie générale qui libère les prisonniers politiques incarcérés sous la dictature mais qui interdit le jugement des crimes franquistes avec « le pacte de l’oubli » voté au nom de « l’unité nationale ».
Depuis plusieurs années, des victimes du franquisme et des enfants de victimes se battent pour que soient jugés les crimes et les criminels franquistes dans un pays qui apparaît divisé sur cette question de la mémoire et de la justice et voit ressurgir les partis d’extrême droite. 


Déceptions et d’espoirs

Almudena Carracedo et Robert Bahar ont réalisé Le silence des autres, un documentaire saisissant produit par Pedro Almodóvar, sur le combat de ces victimes. Il s’appuie sur les images d’archives et sur des témoignages bouleversants. Les cinéastes ont filmé pendant six ans le chemin parcouru par les victimes dans un combat qui, face au refus d’être entendus par le gouvernement espagnol, les amène à porter plainte contre leurs bourreaux en Argentine au nom de la compétence universelle des Etats en matière de crimes de guerre et contre l’humanité, une démarche douloureuse pour les plaignants.
Animés par le désir de rendre justice aux victimes du franquisme et par celui d’éclairer les jeunes sur la nécessité de connaître le passé de leur pays pour assurer les bases de la démocratie, José, Maria et bien d’autres mènent ainsi une bataille ponctuée de déceptions et d’espoirs.


Des moments poignants qui ouvrent les portes d’un début de reconnaissance du gouvernement espagnol.
© Semilla Verde Productions Ltd / Almudena Carracedo

Les émotions de José qui entend que des noms de criminels franquistes seront rayés des rues de Madrid, de Maria qui espère retrouver le corps de sa mère avant de mourir, d’une femme âgée qui pleure devant les ossements de son père découverts dans un charnier ou de ces mères dont les franquistes ont volé leurs bébés à la naissance sont autant de moments poignants qui ouvrent les portes d’un début de reconnaissance du gouvernement espagnol avec la loi de mémoire historique de 2007, première étape d’une prise de conscience progressive des horreurs du régime de Franco dont l’immense mausolée dédié à sa mémoire devrait disparaître selon les vaines promesses du gouvernement. 


© Semilla Verde Productions Ltd / Almudena Carracedo

Gardons en mémoire un des rares monuments dédiés aux victimes de la guerre civile et de la dictature dans la Vallée de la Jerte avec ses sculptures impressionnantes (photo ci-contre) qui scrutent la mémoire des hommes.