Le musée regorge d'objets en lien avec l'art de la contrebande
.© Jacques Kmieciak

Godewaersvelde - Musée de la Vie transfrontalière

Au temps béni de la contrebande

par JACQUES KMIECIAK
Publié le 9 septembre 2022 à 13:40

Aujourd’hui trentenaire, le musée de la Vie frontalière nous plonge dans une époque révolue où douaniers et fraudeurs se livraient un combat sans merci.

À l’étage se dresse fièrement Henri le douanier, un géant qui incarne ce temps où Godewaersvelde était un haut lieu de la contrebande, « comme toutes les autres communes frontalières du secteur. Ici, on est à deux km de la Belgique  », lance Martial Waeghemacker, adjoint au tourisme. Une frontière dont le tracé « n’a pas bougé depuis 1820 et le traité de Courtrai. Aucune rivière, aucune montagne ne séparent pourtant nos deux pays. Cette frontière est d’autant plus artificielle que des deux côtés, on a longtemps parlé la même langue, vécu les mêmes conditions de vie de paysans, pratiqué une religion identique  ». L’absence d’obstacles naturels et des marchandises moins chères en Belgique ont évidemment favorisé la fraude.

« C’était tendu ! »

« Il y avait deux sortes de fraudeurs, les occasionnels dénommés pacotilleurs, qui se procuraient un peu de tabac, une plaque de chocolat ou autres (fil, grains, alcool, etc.), et les semi-professionnels qui pouvaient, chaque soir, passer jusqu’à 20 kg de tabac », précise Martial Waeghemacker avant de rappeler que « l’on n’était pas fraudeur par plaisir, mais parce qu’on était pauvres. Un ouvrier agricole pouvait doubler ses revenus grâce à la fraude ». Le public « apprécie ce côté «  Robin des Bois » de confrontations entre les contrebandiers qui habitaient le village et les douaniers qui représentaient l’ordre. Ce n’était cependant pas marrant tous les jours. Ça castagnait dur. C’était tendu. Ici, il y avait trois casernes de douaniers qui venaient de l’extérieur. Quant aux tricheurs, ils risquaient la prison », poursuit-il.

Au pays d’Al Capoen

D’emblée, le visiteur est confronté à une série d’objets contemporains saisis par les Douanes, de cette peau de tigre jusqu’aux sacs à main contrefaits. D’autres témoignent de l’ingéniosité déployée jadis par les fraudeurs comme cette poussette pour enfants, cette moto au réservoir trafiqué ou ces galoches en bois à talons amovibles… Des outils évoquant les techniques de surveillance à l’instar de cette canne-sonde servant à contrôler les récipients et parfois utilisée pour achever les chiens de fraude interpellent tout autant le touriste. Tout comme ce lit d’embuscade où le douanier à l’affût se réfugiait la nuit ou encore des chausse-trappes utilisées afin « d’arrêter les voitures de contrebande, véritables engins d’assaut conçus pour enfoncer les barrières des postes-frontières  ». «  C’était un peu le go fast de l’époque  », se marre l’élu qui évoque avec émotion l’itinéraire d’Albert Capoen, un fraudeur du cru devenu « passeur de mémoire  ». Il était surnommé Al Capoen par ses pairs !

  • Le musée situé 98, rue des Callicanes à Godewaersvelde, est ouvert les vendredis, samedis et dimanches de 14h 30 à 17h 30, jusqu’au 31 octobre. Réservation possible les autres jours pour les groupes. Rens. au 03 28 42 50 06. L’exposition temporaire annuelle y est consacrée aux chaumières flamandes.