François Boucq décode La Joconde

par LEDUC ALAIN
Publié le 20 septembre 2019 à 19:45

Débrouillard : voici le qualificatif qui conviendrait le mieux pour définir Jérôme Moucherot, ce personnage entêtant que son géniteur, le bédéiste lillois François Boucq, a dessiné la toute première fois pour une histoire courte dans la revue (À suivre), en 1984.

Trente-cinq ans qu’il lui fait vivre des aventures improbables, souvent surréalistes, dans des univers hostiles.

« J’en ai eu l’idée en voyant des images de guerre à Beyrouth, des quartiers en ruines, où la végétation avait pris le pouvoir. » Moucherot, en Tarzan moderne, habillé de léopard et doté de l’esprit d’un M. Hulot – plutôt que d’un super héros à l’américaine –, affrontera mille tourments, et cherchera à pallier toutes les embûches de la vie. Sa vocation étant d’assurer tous les risques, naturels, surnaturels, psychologiques, le dessinateur nordiste en aura fait... un assureur !

Représentation du corps et de l’esprit

Aujourd’hui, au musée de la Franc- Maçonnerie [1], voici François Boucq s’attelant à un monstre sacré, ni plus ni moins que La Joconde , ce tableau à l’huile sur bois de peuplier, de 77 X 53 cm, sans doute le plus célèbre (et le plus photographié) du monde. Qui mieux que Léonard de Vinci aurait-il aussi admirablement témoigné, de cette quête de vérité, qui collige, en sa double visée, représentation du corps et de l’esprit ?

Nombre d’or et Joconde sont intimement liés : comme torse et chemise. Rappelons que le nombre d’or est un nombre irrationnel aux propriétés géométriques et algébriques qui ont depuis longtemps intéressé ́les mathématiciens et les artistes. Le premier écrit le concernant nous vient d’Euclide, mathématicien Grec du IIIe siècle avant J.C. qui, dans son traité Éléments de Mathématiques parla de division d’un segment en « extrême et moyenne raison ». L’architecte grec Ictinos aurait déjà utilisé ce rectangle aux proportions particulières au Ve siècle avant J.C. pour concevoir, à la demande de Périclès, l’édifice qui reste comme un des plus célèbres monuments grecs classiques : le temple d’Athéna, à Athènes. Et le sculpteur grec Phidias se serait lui aussi inspiré de cette proportion pour l’élément essentiel de ce temple : la statue de la déesse. Assurance tous risques En 1498, Fra Luca Pacioli, un moine franciscain italien, écrivit La divine proportion.

Il y citait notamment Vitruve, architecte de la Rome antique (1er siècle avant J.C.), qui décrivait de façon détaillée les proportions du corps humain à partir de fractions. Pour illustrer son ouvrage, Luca Pacioli eut recours à un de ses élèves et ami : Léonard de Vinci. Ensemble, ils complétèrent les propos de Vitruve : le célèbre Homme de Vitruve , que l’on trouve représenté partout, même sur des pièces de monnaie, voyait le jour. On voit le bédéiste, dessin après dessin, et dans un très beau film documentaire, dans ce riche musée de la rue Cadet, abrité, en effet, au sein de la Grande Loge de France, interroger compas en main, traçant force triangles, quitte à en outre-jouer, la structure du chef d’œuvre du Louvre. Une assurance tous risques.

Notes :

[1Boucq - Léonard de Vinci décodé. Jusqu’au 6 octobre 2019. Musée de la franc-maçonnerie, 16 rue Cadet, Paris.