
Explorant des procédés chimiques qui imitent au plus près les transformations de la nature, Hicham Berrada crée des paysages chimériques en permanente évolution. « Je cherche à générer par des expériences physiques une poésie qui toucherait l’esprit humain », explique-t-il.
Ses expérimentations organiques et numériques se déploient sur différents supports de création : photographie, vidéo, impression 3D, installation mixte, le tout donnant lieu à la création d’un écosystème évolutif qui dépend des conditions de laboratoire (temps d’exposition, lumière, température, nature des produits réactifs). Le processus en tant que tel devient un acte de création au même titre que l’œuvre qui en découle.
Invité par la directrice du Louvre-Lens, Marie Lavandier, l’artiste est actuellement en résidence en face du musée, dans l’ancien presbytère de la cité Saint Théodore, réaménagé en 2016 par Pinault Collection précisément pour des résidences artistiques.
Hicham Berrada travaille comme un peintre dont les principaux outils ne seraient pas des pinceaux et des pigments, mais la maîtrise de paramètres mathématiques, physiques et chimiques. L’exposition se compose de productions déjà existantes et de créations récentes issues de ses dernières recherches. Présentées dans l’espace vitré et lumineux du Pavillon de verre, ses œuvres bénéficient d’un superbe cadre, en résonance avec le parc. Toutes sont animées par la volonté d’inviter la nature à participer à l’œuvre plutôt que de la reproduire. Les formes apparaissent par l’action de forces naturelles.
Profusion de formes, de couleurs
et de mouvements
L’installation photographique Augures mathématiques, spécialement conçue pour les deux cent cinquante mètres carrés de parois vitrées du Pavillon de verre, propose une série de photographies et de sculptures générées par ordinateur grâce à des algorithmes de morphogenèses. Pour sa vidéo Céleste (2014), le ciel gris d’un jour maussade a été repeint en bleu, il est envahi, chargé de nuages bleus aux volumes profonds, contrastés et rebondis qui rappellent les nuages voluptueux et inquiétants des peintures de la Renaissance.
Les sculptures intitulées Kéromancies combinent deux pratiques ancestrales : l’art divinatoire de la kéromancie – qui consiste à lire l’avenir dans les formes prises par la cire jetée dans l’eau chaude – et la technique de la cire perdue utilisée depuis l’Antiquité pour sculpter le bronze. L’installation vidéo Présages – réalisée en filmant l’intérieur d’un bocal dans lequel réagissent des produits chimiques – immerge le spectateur dans un monde à part au sein duquel la matière minérale n’est pas terne et inerte, mais s’exprime au contraire dans une profusion de formes, de couleurs et de mouvements (dimanche 23 juin, l’artiste a accompli avec le compositeur et pianiste Laurent Durupt une performance saisissante portant ce même titre de Présages).
Le spectacle
de l’infiniment petit
De chacune des expérimentations de l’artiste, émane une poésie particulière. À la fois étranges et familiers, ses paysages catalysent l’imagination du spectateur. Avec Hicham Berrada, l’art et la science fusionnent et révèlent le spectacle de l’infiniment petit.
Au-delà des œuvres contemporaines que sont l’architecture du musée et le parc, le Louvre-Lens colle à l’art contemporain. Après Françoise Pétrovitch en 2018, Hicham Berrada est le deuxième artiste contemporain à y faire vivre une exposition personnelle.

Hicham Berrada, paysages générés, jusqu’au 1er septembre au Louvre-Lens. Commissariat : Marie Lavandier, directrice du musée, Pascale Pronnier, responsable des programmations artistiques du Fresnoy, studio national des arts contemporains, coréalisateur de l’exposition.
Photo utilisée en logo d’article : Vue « in situ » de l’exposition, dans le Pavillon de verre.
© Musée du Louvre-Lens