Exposition

« Itinéraires singuliers » au Musée de l’Hospice Comtesse

par Alphonse Cugier
Publié le 27 décembre 2019 à 18:16

Une immense tapisserie-patchwork, La Parade du cirque de Jacques Trovic, accueille le visiteur, sa tonifiante allégresse l’invite à découvrir l’insolite qui abonde.

Un kaléidoscope de peintures, tapisseries, sculptures et dessins s’offre à nous, images inattendues, surprenantes. Choisissant la liberté des chemins buissonniers, déroutants au premier abord, des personnes autodidactes qui ne sont pas moins artistes, ont fait de leurs œuvres, qui échappent à la proie du marché, le lieu d’un théâtre intime. Leurs créations raisonnées ou surgies de l’inconscient comme autant de fulgurances spontanées sont-elles des brèches par où affluent et s’engouffrent des bouffées de souvenirs, douleurs qui les rongent à vif ou joies qu’ils libèrent et laissent s’épanouir ? L’imagination de ces non-professionnels de l’art qui transposent la réalité environnante et les sensations qu’ils éprouvent s’avère totalement débridée, réjouissante, ou rivée à leurs obsessions, happée par les commotions que la vie leur impose.

L’imagination en partance et ses multiples rivages

Des couleurs intenses illuminent nombre de peintures, atteignent leur plain-chant en épousant les formes. Elles sont même mises à vif dans la toile de Louis Poulain où les personnages foisonnent, s’enchevêtrent, occupent tout l’espace. C’est la vie qu’il montre, n’hésitant pas à inclure des pancartes où il prend position contre le fascisme, la guerre et en faveur des luttes sociales, de la grève en particulier. Jean-Michel Wuilbeaux chante la région minière, « le charbon, une histoire d’hommes »,souvenir de ses origines.

Un Niagara de couleurs

Quant à Hugues Joly, fasciné par les top- modèles nus, il les décline en série, variant à l’infini les teintes de leurs corps, supprimant les têtes de ces femmes-objets. Le nu féminin taraude aussi Jean-Marie Heyligen, image infâme et obscène à ses yeux mais tant désirée dont il barbouille parfois le sexe. À l’inverse, Martha Grünenwaldt magnifie la femme, la sertit dans un écrin, tourbillon décoratif chatoyant. C’est dans une sorte de compulsion de répétition que Paul Duhem aligne frontalement des torses sans cou et aux épaules rétrécies, autoportraits tourmentés aux couleurs fluctuantes.

Trois artistes recourent au marqueur noir ou au crayon gris. Un désir de stabilité anime-t-il Daniel Douffet qui se fixe sur des constructions géométriques symétriques tracées à la règle et au compas ? Chez Christelle Hawkaluk, les figures féminines (mère, amante) prolifèrent dans le cadre d’un fouillis de petites saynètes où l’homme est mis à l’écart. Alexis Lippstreu réinterprète, avec une économie de moyens, des tableaux de Gauguin, Manet, Degas... hommage et reconnaissance de dettes. Le visiteur peut remercier la Fondation Paul Duhem qui s’est fixé comme objectif la sauvegarde, l’étude et la promotion d’œuvres nées dans le secret, trop souvent ignorées.