Wazemmes

L’accordéon et son festival

par Franck Jakubek
Publié le 8 mars 2019 à 22:06 Mise à jour le 17 mai 2019

Le très populaire festival Wazemmes l’Accordéon se prépare. Problème : la Métropole européenne de Lille baisse régulièrement sa subvention...

Saura-t-on jamais ce qui passa dans la tête des fondateurs ? Un amour parti avec un loup dans les grottes de Rocamadour ? Une diva que d’aucuns croyaient déchue rhabillée un 14 juillet par Jean-Paul Gautier ? Ou son souvenir d’elle installée souriante sur une bagnole du tour de France ? Les diableries des musiciens du Cheval Blanc faisant danser comme sur une lande disparue depuis belle lurette les apaches en guimauve d’un Wazemmes métissé ?

Populaire et international

Le doute doit planer pour ne pas briser la magie de chacun de ses rendez-vous. Des bals pleins à chauffer, vapeur au dessus des têtes mêlée à la fumée des roulés, concerts en plein air ou sous chapiteau… Des concerts à l’auberge de la Maison Folie n’en finissant plus tant les amateurs de bœuf se succédaient. Tout le monde a des souvenirs, de beaux moments comme de rires. Wazemmes l’Accordéon n’a de local que le nom. Pour le reste, il est plus qu’international, c’est un monde à lui tout seul.

Pas que de l’accordéon

Pendant le festival, la Waz Pétanque cup vaut le détour également. La place Casquette vibre au son des chocs des boules de pétanque, des rires, des cris des joueurs, et de leurs supporters. On vient de loin pour passer un bon moment entre copains, au soleil du Nord qui laisse des coups de soleil aussi sûr que la java tourne les têtes. Il y a parfois plus de 2000 participants cherchant l’ombre entre les terrasses des cafés.

Une pause bien méritée à Baisieux en 2015 lors de la Caravane Vanne.
© DR

La Caravane Vanne est un autre moment de folie douce. En musique et en vélo, les participants rallient Tournai, ville belge avec laquelle le festival s’acoquine toujours. Ballade champêtre au long des communes rurales et frontalières, elle traverse toute la métropole lilloise. Pause musicale, et chants ponctuent ce périple bon enfant mené à la force des mollets. Le voyage se mérite, haut en couleurs et en bonne humeur, le dimanche matin.

Le festival, ambassadeur de la région

Nina Hagen, Arno, HK et les saltimbanques, Sanseverino, Loïc Lantoine - parrain du festival en 2018 -, Marc Péronne, Rachid Taha, Renaud, Jeff Kino… Tous ces artistes ont été à l’affiche de Wazemmes l’Accordéon, un festival international qui sent bon la guinguette, la gigolette et le temps des cerises. Depuis plus de vingt ans, grâce à la ténacité des bénévoles de l’association Flonflons, l’accordéon a retrouvé ses lettres de noblesse. Populaire et moderne, savant et accessible, le piano à bretelles, ou piano du pauvre est de nouveau en vogue et les plus grands artistes se piquent de s’y coller.
La renommée de l’événement dépasse les frontières. Les visiteurs, entre quarante et quarante-cinq mille personnes en 2018, viennent de toutes les communes de la métropole, certes, mais aussi d’au-delà de la région, de Belgique, de Grande-Bretagne… C’est devenu au fil du temps un point de ralliement pour les tour-operators. Lille, et sa métropole, est plus belle encore à visiter pendant Wazemmes l’Accordéon. Un argument touristique qu’on bien comprit les restaurateurs et les hôteliers de la Métropole.
Des concerts ou des activités décentralisées sont organisés régulièrement sur Marcq, Templeuve ou Tourcoing. Des ateliers avec des scolaires pour la découverte de musiques parallèles et enchantées, des stages d’accordéon pour débutant passionné… Le festival profite de l’intérêt de plus d’une centaine de bénévoles. Flonflons, l’association qui le porte, est dirigé par un joyeux – et ingénieux – directeur, Claude Vadasz. Une petite équipe qui monte en puissance avec le calendrier vient le renforcer.
Car au-delà du plaisir, c’est « tout un bazar », comme dirait Arno Hintgens. Communication, accueil, technique, régie, il faut faire face à toutes les contraintes pour que la fête soit parfaite. « Depuis 2015, nous sommes comme tous, plus attentifs sur la sécurité aussi. Avec des coûts supplémentaires aussi » souligne le président de l’association, Eric Paul. Ses larges épaules ne peuvent tout supporter. Avec les administrateurs, un travail énorme est fait en amont pour que cette fête populaire reste accessible à tous. Pas question d’en faire une machine à cash. Mais il faut payer les artistes aussi. Le budget moyen est de deux cent cinquante mille euros, assuré principalement par des subventions ; pendant une période, des entreprises ont fait du mécénat mais ce n’est plus le cas actuellement. La région hauts-de-France et la ville de Lille sont les plus fidèles soutiens. « Martine Aubry nous soutient depuis le départ, sans ambigüité », souligne Eric Paul.

Le hic c’est la MEL

Cette année pourtant, de graves questions se posent pour faire la soudure. En cause la baisse régulière de la subvention de la MEL. En 2014, le montant était de quarante-cinq mille euros mais chaque année, il est raboté de cinq mille euros. Soit 60 % de moins en cinq ans. Une vraie préoccupation pour l’association qui a alerté tout le réseau.

Eric Paul, le président de l’association Flonflons et Claude Vazdaz, le directeur, au Cheval Blanc, (photo DR)

« La MEL nous explique que nous ne rentrons plus dans ses critères », s’étonne Eric Paul. Un des critères serait d’avoir trois communes au moins concernées sur le terrain métropolitain. « On le découvre. Je suis prêt à en discuter de président à président », propose le comédien. Pour l’instant seuls les directeurs se sont rencontrés pour les questions techniques. Un échange serait le bienvenu. Il est en tout cas attendu par les organisateurs. Le désengagement de la MEL alors que la participation au festival grandit pose la question de la volonté politique d’accompagner un véritable événement populaire, impliquant les associations du secteur, les habitants, les artistes internationaux, les écoles...

La 21e édition se prépare maintenant

Avec des retours comme celui de Dick Annegarn, Hollandais volant qui fut un temps oiseau de nuit wazemmois. Les Lénine Renaud, qui sont quasiment des habitués du secteur. Franck, le chanteur y traîna souvent son Marcel et son Orchestre.Des dizaines de groupes et d’événements sont programmés du 18 mai au 9 juin. Mais ne tardez pas à prendre vos réservations, y compris pour les bals. Celui du Cheval blanc, le soir du 29 mai, est déjà complet, c’est vous dire le succès.
Plus d’infos sur flonflons.eu

Wazemmes, ma belle

La renommée de Wazemmes a dépassé les frontières depuis longtemps. Ce quartier de Lille a le marché à ciel ouvert le plus grand de France, des halles magnifiques où tous les métiers de bouche sont représentés. Venez le dimanche matin, place de la Nouvelle Aventure. Les fleurs débordent côté rue Gambetta. Les poulets grillent face aux nems en direction de la rue Jules Guesde. Au parvis de Saint-Pierre-Saint-Paul, les brocanteurs bradent les reliques du passé lillois pendant qu’en terrasse les nuiteux croisent les matinaux et les familles, de toute confession, font la queue pour les légumes du pot-au-feu.
Depuis toujours, on vient de loin pour y danser, s’amuser, boire et voir les amis. Au XIXe siècle, les guinguettes fleurissaient. L’accordéon, toujours, donnait le ton dans les bistrots du dimanche après marché. Chaque troquet autour de la place avait sa méthode pour écouler ses breuvages jusqu’à plus soif. Quartier d’usines, disparues, et d’ouvriers, quartier d’immigrés, de Belges d’abord, des réfugiés maintenant, d’étudiants, des artistes à foison, auteurs, musiciens, peintres, photographes ou plasticiens…Un lieu de vie permanent où l’extrême pauvreté croise toutes les insouciances. En fermant les yeux, les jours sans voiture, le quartier résonne, immuable, de la même ambiance depuis le haut Moyen Age.
Wazemmes, avec près de vingt-sept mille habitants, est une ville dans la ville. D’ailleurs, c’est une commune absorbée. Une plaque au sol à l’intersection des rues Gambetta et Solférino le rappelle.