Tout avait commencé en 2004 à l’initiative de Jean-Claude Casadesus, un premier Piano(s) Festival à Lille, au Nouveau Siècle, transformé pour l’occasion, le temps d’un long week-end janvier (du vendredi au dimanche) en Tour de Babel des poètes et virtuoses du clavier. Il régnait à tous les étages une joyeuse effervescence ; ça s’empressait d’une salle à l’autre, d’un émerveillement à un autre. Je me souviens d’y avoir entendu pour la première fois Boris Berezowski, jeune colosse tranquille, tout droit arrivé de Moscou, déployant comme si de rien n’était images et couleurs à n’y pas croire.
On retrouvait le même, en 2011, dans un « quatre mains » inoubliable avec la regrettée Brigitte Engerer. Le temps suspendait son vol et les auditeurs de la rotonde du Conservatoire retenaient leur souffle... Quinze ans après la première édition, la magie opère toujours et ce ne sont pas les quelque seize mille spectateurs du week-end des 13, 15 et 16 juin qui démentiront ce fait.
Ovation pour Casadesus et Freire
Une page se tourne. Jean-Claude Casadesus a annoncé, non sans une petite pointe de regret (tant et tant de belles aventures musicales et humaines partagées ; imaginez un peu), qu’il passait le relais, comme il l’a fait pour la direction de l’Orchestre national de Lille qu’il fonda il y a quarante ans. Lors de la réception traditionnelle de clotûre, le chef historique déclarait quand même, en souriant avec malice, qu’il espérait bien avoir la permission de diriger encore quelques concerts du festival lors des prochaines éditions... Ce passage de relais est dans l’ordre des choses, disons-le comme ça, et notre région sait ce qu’elle doit à celui qui en est l’un des bâtisseurs dans le domaine de la beauté et l’un des ambassadeurs les plus rayonnants...
L’ovation debout qui saluait la performance commune du pianiste Nelson Freire et de Jean-Claude Casadesus à l’issue du concert de clôture, avec le Concerto n° 2 de Johannes Brahms, témoignait à sa manière de cette reconnaissance. Il convient de rappeler que le grand virtuose brésilien était déjà présent en 2004, de même que Franck Braley que l’on a entendu cette année dans une séduisante fantaisie concertante pour piano et trompette de Jean- Pascal Beintus avec le trompettiste Romain Leleu, les mêmes se révélant de belle attaque pour interpréter le pétaradant et facétieux Concerto n° 1 de Dmitri Chostakovitch, le tout sous la baguette d’Arie Van Beek avec l’Orchestre de Picardie, ici réduit aux cordes.
Que la montagne de Beatrice est belle !
Comme à chaque édition, le festival a révélé son lot d’heureuses découvertes, telle la jeune Beatrice Berrut descendue de ses montagnes du Valais, en Suisse, pour nous faire voyager dans un univers proche de Gustav Mahler. Ce concert s’inscrivait dans l’intégrale des neuf symphonies du compositeur autrichien que donne l’ONL sous la direction d’Alexandre Bloch jusqu’au mois de janvier 2020. Il y aurait donc mille autres choses à dire... Forte de la notoriété acquise par ce festival unique au nord de Paris, une nouvelle équipe, animée par Alexandre Bloch et François Bou, aura désormais la charge d’en dessiner les visages du futur... Nous sommes déjà impatients !