Quelques larmes de neige de Michel Blondonnet

À chaque jour son désir de justice

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 18 novembre 2021 à 22:14

La Creuse dans les années 1950. Un frère et une sœur, Antoine, veuf, et Angèle, qui ne s’est jamais mariée, vivent avec la fille d’Angèle, Emma, perturbée depuis l’assassinat six ans auparavant de son frère Louis alors qu’il ravitaillait les maquisards. Emma « s’en va », glisse dans une sorte d’égarement, imprévisible par moments, d’une lucidité étonnante à d’autres. Antoine s’est fixé un but, venger son neveu, retrouver son assassin et ses complices. Emma, elle aussi, avait confié à sa mère qu’elle ne laisserait pas impunies les exactions commises par ceux qui ont collaboré avec les Allemands.

Regards sur la Creuse d’autrefois

Tous trois vivent de maigres ressources, quelques bêtes et abattage d’arbres, et ce en communion avec la nature, la forêt dont ils connaissent les moindres recoins et tous les secrets. Né en 1944 dans la Combraille, plateau du Massif central, très attaché à la Creuse et au Limousin, Michel Blondonnet y a situé plusieurs de ses romans aussi édités par Albin Michel. Le vent soufflait sur la rivière (2013) : au 19e siècle, pendant que les femmes s’occupent de la ferme et des champs, les hommes se font maçons et tailleurs de pierre et partent pour la capitale. La construction d’une ligne de chemin de fer et d’un viaduc par Gustave Eiffel leur offre des emplois sur place. En 2016, c’est Le meunier de Lavault qui travaille au temps de Louis XIV pour le seigneur de Celle. Comme le contrôleur de la gabelle taxe durement le peuple, les hommes se livrent à la contrebande du sel. L’impôt ne cessant d’augmenter provoque des émeutes… Avec Quelques larmes de neige, il passe au 20e siècle.

Immersion totale

L’auteur saisit avec gourmandise un monde qu’il connaît depuis l’enfance et se fait le héraut, le chantre de ce qui l’entoure, réussit la fusion entre la matière et le dit. Une plongée au cœur de la nature, un univers d’images, de sons et d’odeurs au rythme des saisons, une prose qui se voit, s’écoute autant qu’elle se lit (vent dans la forêt et sur les prés, chant d’oiseaux, exhalaison d’humus, neige qui crisse…). Plénitude du sentiment d’appartenance à cette terre, accord profond avec la substance des choses visibles et invisibles frayant avec le surnaturel. L’auteur restitue aux croyances et aux pratiques leurs places incontestables dans la culture paysanne dont elles sont un élément constitutif et non une excroissance monstrueuse. Certes certains pourraient trouver que l’écriture n’est pas tout à fait spontanée mais quelque peu trop travaillée. Elle témoigne surtout de l’intensité des rapports entre les êtres et la nature. De plus, cette écriture de l’excès dans le profus et le sensoriel ne va jamais à l’encontre du récit du projet de vengeance et de justice.

Quelques larmes de neige, Michel Blondonnet, éditions Albin Michel, novembre 2021, 292 pages, 19,90 €.