Riyad de Jean Guerreschi

Acte de renaissance : corps accords

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 1er juillet 2022 à 16:50

En partance pour le Maroc, regardant par le hublot, un passager remarque que du kérosène s’écoule d’une aile de l’avion. Un moment, il pense ne rien dire et laisser le destin faire son œuvre : le matin en se levant, il avait eu la prémonition que ce jour allait être le dernier. Puis, il se ravise et prévient le personnel, évitant ainsi une catastrophe. Parvenu à destination, il s’installe dans un riyad de la médina de Marrakech où il dispose d’une résidence d’écrivain. Il s’y sent comme imprégné d’une sorte d’atmosphère spirituelle. Ce lieu édénique le pénètre par tous les pores, l’irrigue totalement : la vie a repris le dessus. Avec son jardin clos, sa cour entourée de hauts murs et ouverte sur le ciel, véritable puits de lumière baigné de « parfums et de couleurs, des cris du jeu et du chant des oiseaux », cette demeure fut celle de la première femme qui a traduit le Coran en français.

Du désert d’aimer au désir d’aimer

Il y croise une jeune femme berbère… Après avoir sillonné le sud du Maroc en compagnie d’un photographe, il la retrouve et, illuminé par sa présence, beauté dans toute sa plénitude, il va vivre des jours un amour où fusionnent le charnel et le spirituel, une sorte d’intimité des deux. Transports de la chair, hommage à la femme dans tout ce qu’elle a de personnalité, hommage au corps et aux blasons du corps féminin, leur force d’attraction du désir. Toucher, caresser, étreindre… corps incendiés, émanations d’une sérénité totale, une érotique que l’auteur élève à une véritable poétique, ciselant la sensualité avec une écriture qui nous conduit au tableau de Courbet L’Origine du monde évoquant aussi la création, la naissance de la vie. Ce roman entre en résonance avec le parcours sensible de tout lecteur, en dévoile les ressorts de son intimité. C’est à la fois un composé de perfection narrative jouant avec la chronologie à l’instar du riyad alternant ombre et lumière, une distillation proustienne de la sensualité dans un lieu dont l’aura salvatrice s’impose d’emblée. Incandescent désir de durer et éblouissante rédemption.

Serge Safran éditeur, 160 pages, 16,90 €.