Annette, une épopée d’Anne Weber

Au grand soleil de l’engagement

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 5 juin 2020 à 09:24 Mise à jour le 4 juin 2020

(Photo Hermance Triay)

Anne Beaumanoir a traversé le siècle. Actuellement, presque centenaire, elle vit dans la Drôme où Anne Weber l’a rencontrée. Elles sont devenues amies et Annette, une épopée doit beaucoup aux récits d’Anne et à son livre de souvenirs, Le Feu de la mémoire. Née en 1923, Annette grandit près de Dinan, entame des études de médecine à Paris. Lorsque la France est occupée, elle entre en résistance avec les communistes. Elle aide une famille juive dont elle cache les enfants chez ses parents en Bretagne. Cette initiative lui est reprochée, pouvant déboucher sur une arrestation et mettre le réseau en danger. Elle est envoyée à Lyon, puis à Marseille où elle prend part à la libération de la ville et siège au comité d’épuration. La paix revenue, elle reprend ses études de médecine, se marie et élève ses enfants… Mais comme une autre lutte pour la liberté commence, elle aide les Algériens en étant « porteur de valises  ». Arrêtée, condamnée à dix ans de prison, elle s’évade, passe en Tunisie, fait la connaissance de Ben Bella qui lui demande de participer au premier gouvernement indépendant algérien. À la suite du coup d’État de Boumédiène, elle doit fuir, s’installe en Suisse, médecin à l’hôpital de Genève.

Son temps retrouvé : résister

Une vie qui avance comme une immense et dense coulée : Annette n’a jamais cessé d’emprunter la voie du combat progressiste, tout en gardant une liberté de critique, lucide au moment de l’épuration et sur la politique (rapport Khrouchtchev, stalinisme, position du PCF). Quant à l’avenir révolutionnaire de l’Algérie, c’est avec une ironie qui jamais n’entache leur générosité pour le peuple algérien qu’Anne Weber et Annette nous livrent le récit d’un naufrage (espoirs bafoués, indépendance confisquée, luttes pour le pouvoir). L’auteure se délecte en évoquant Bouteflika qui « sera encore président quand il ne sera plus vivant ». Un des mérites de ce roman oscillant entre tragédies, tensions, humanité, moments de bonheur et de tendresse, digressions amusées, éclats de fantaisie débridée et joueuse, réside dans la vivacité, le rythme d’une écriture nourrie au sel de la vie. Palpitation intense qui bat comme veine à la tempe, entrelaçant l’intime et l’épopée.

Annette, une épopée, Anne Weber, éditions du Seuil, mars 2020, 236 pages, 19 €.