Les éditions Noir sur Blanc poursuivent la publication des œuvres complètes de ce dramaturge polonais (1930-2013) qui n’a cessé de dessiner. La couverture annonce la teneur des cinquante nouvelles qui composent ce recueil, textes des années 1960 destinées à être lus à la radio polonaise, qui prennent pour cible la vie de bureau dont les protagonistes ressemblent aux ronds-de-cuir de Courteline, aux pisse-encriers de jadis. Le PDG en question est entouré de ses éminents et indispensables collaborateurs, chef de service, comptable, conseiller, magasinier et stagiaire souffre-douleur.
Humour caustique à l’assaut du sérieux triste
Tout ce petit monde s’affaire à remédier aux difficultés qu’il s’invente, à résoudre des problèmes nuls et non avenus, à concocter des combines biscornues et surtout à honorer le chef. Un petit monde de girouettes, de fantoches égoïstes, prudents, opportunistes, roublards, obséquieux, vaniteux et lâches qui se complaisent dans la servitude volontaire, victimes d’un système qu’ils entretiennent. L’humour dévastateur de Mrozek ne rate pas sa cible vue au travers d’une lentille de suavité corrosive. L’esprit crépite sans désemparer, taillant et retaillant dans l’acide. Concision et dérision, un art lapidaire qui dit beaucoup. Le ridicule et le grotesque épinglés ne sont pourtant pas exempts d’une certaine tendresse. Mrozek aime bien ce personnel manœuvrant « héroïquement » avec force banalités et simulacres, il le dorlote tout en ne l’épargnant aucunement. Ainsi fonctionnent la satire, le loufoque intelligents.
Des chocolats pour le directeur, Slawomir Mrozek, éditions Noir sur Blanc, 140 pages, 16 €.
