Roger Martin, « Ed Lacy, un inconnu nommé Len Zinberg », Éditions À plus d’un titre, 304 pages, 20 €.

Ed Lacy, l’homme rouge du roman noir

par PIERRE GAUYAT
Publié le 9 septembre 2022 à 13:07

Ed Lacy est un auteur de romans noirs américain qui a consacré son œuvre à dénoncer le racisme et l’exploitation dont est victime une partie de la population des États-Unis. J’ai récemment eu l’occasion de chroniquer un roman d’Ed Lacy, « Traquenoir  » dans une nouvelle traduction de Roger Martin. Ce dernier ne s’est pas contenté de traduire cette œuvre, il a également écrit une bio-bibliographie de l’auteur, Ed Lacy, un inconnu nommé Len Zinberg.

Ce livre nous en apprend autant sur Ed Lacy que sur les États-Unis des années 1930 aux années 1960 ou sur la littérature noire (policière) américaine. En effet, Len Zinberg est un jeune juif de New York qui vit dans un milieu modeste avec des parents qui ont immigré de l’empire russe chassés par les pogroms antisémites encore courants au début du 20ème siècle. Il entre tôt dans le monde du travail et en tire une conscience de classe qui le conduit assez naturellement à rejoindre les rangs du Parti communiste américain (CPUSA). Il commence à écrire dans la presse du Parti et dans des journaux progressistes où il publie ses premières nouvelles.

Le PC américain de cette époque est un creuset à l’image de la société américaine, particulièrement new-yorkaise, car il compte dans ses rangs de nombreux militants juifs et afro-américains. Lacy est lui-même pris pour un Noir car il est le premier à mettre en scène un détective privé noir, Toussaint Marcus Moore dans Traquenoir  (Liberté-Hebdo du 24 juin 2022). Lacy est Blanc mais il est marié à Esther, une Afro-Américaine, ce qui est peu courant dans l’Amérique ségrégationniste des années 1940 et 1950, même à New York. Sa sensibilité aux problèmes raciaux et ses partis pris progressistes et pacifistes ne vont pas sans lui valoir des déboires et, comme de nombreux artistes américains, il va se retrouver en butte à la chasse aux sorcières initiée par le sinistre sénateur McCarthy à l’encontre des communistes et des progressistes américains. La santé minée par des problèmes cardiaques liés à des conditions de vie précaires et harassantes en raison de ses engagements politiques, il décède, en 1968, à New York, à l’âge de 56 ans, laissant derrière lui une œuvre littéraire conséquente qui reflète les combats qu’il a menés tout au long de sa vie. Avec cette bio-bibliographie, Roger Martin fait bénéficier à ses lecteurs de sa connaissance encyclopédique des mouvements progressistes et des auteurs de romans noirs américains.