Littérature

Eugène Guillevic, poète du confinement

par JEROME LEROY
Publié le 10 avril 2020 à 18:58

Dans Paroi, paru en 1971, ce poète communiste anticipait le confinement.

Né en 1907 et mort en 1997, le poète Eugène Guillevic est une des grandes voix de la poésie française du vingtième siècle, à placer au même rang que René Char ou Louis Aragon. Longtemps membre du PCF, auquel il adhéra en 1942, résistant, Guillevic a une poésie qui joue sur plusieurs niveaux de lecture. Son vocabulaire est simple, accessible, et ses poèmes peuvent même être lus par des enfants. Mais il est aussi un poète dont les thèmes sont universels. À travers le granit de sa Bretagne natale, il essaie d’appréhender de quoi est fait notre monde, les mystères de la matière qui renvoient aussi à ceux du temps.

Dans son recueil, Paroi, paru en 1971 et disponible en poche, il veut nous montrer l’existence d’une paroi invisible, mais dont on sent à chaque instant les effets. Cette paroi nous sépare du monde, nous isole les uns des autres et nous empêche d’atteindre la vraie vie. Comment ne pas être renvoyé, quand on lit ou relit les poèmes de Paroi, à notre actuelle condition de confiné et à ces gestes barrières et ces masques - pour les plus chanceux... - qui nous empêchent de communiquer réellement. Mais, nous dit Guillevic comme dans le poème qui suit, c’est à chacun de nous, poète ou non, de nous battre pour traverser cette paroi, voire pour la détruire et retrouver un monde lumineux et fraternel :

On n’est pas à l’air,
Pas dans la lumière.
 
Soulève et creuse,
Fais le passage.
 
Fais qu’il débouche,
Soulève encore, fais en ta part.
 
Au moins ta part,
Pour qu’on débouche [1].

Notes :

[1Dans Paroi, Eugène Guillevic, éditions Gallimard, 228 pages, 13,15 €.