Éditions Belfond, 200 pages, plus de 100 photos de T-shirts, 24 €
T - Ma vie en T-shirts de Haruki Murakami

Faire vivre les choses

par ALPHONSE CUGIER
Publié le 30 décembre 2022 à 13:28

Plein de choses s’accumulent chez lui, c’est le rendez-vous de l’hétéroclite et de l’insolite. La collectionnite… une addiction ? Comportement pathologique ? Plutôt une passion dont il ne cherche pas à s’affranchir. Plaisir de lire, d’écouter de la musique, jazz surtout… Des piles de livres, de disques (il consacre ses séjours aux quatre coins du monde à farfouiller dans les magasins d’occasion). Quant aux T-shirts, c’est différent : jamais il ne s’est dit « je vais les collectionner » et pourtant leur nombre a crû de façon exponentielle : images et mots imprimés de 33 tours, surf, bières, animaux, voitures, whisky, librairies, chanteurs et groupes de rock… Il en achète pour garder le souvenir d’un événement, ne pas s’embarrasser de vêtements de rechange en voyage ; on lui en offre lors de ses participations à des marathons et il en chine (l’effervescence chineuse est par moments à son comble).

Au cœur de l’affection

Ainsi, en quelques feuillets, il évoque une partie de sa vie, ses souvenirs, des échos du quotidien, des petits riens soustraits à leur apparente insignifiance. Il recourt à la forme brève qu’il maîtrise à la perfection et parvient à ne pas se faire piéger par la répétition, entraînant le lecteur à la fois dans ses voyages et dans l’esprit et le cœur d’un narrateur amoureux de ses T-shirts. Cette autobiographie originale marie nostalgie, autodérision, ironie piquante ou cocasse (il espère, dit-il, que l’inscription « Encounter » n’est pas une publicité pour un site de rencontres). Un vrai régal de fraîcheur qui s’enrichit au fil des pages de tonalités nouvelles. Comme certains T-shirts portent le nom de marques, il ne les enfile pas pour ne pas être transformé en homme-sandwich. Sa collection n’a rien à voir avec celles saisonnières de la haute couture, ces maillots de coton à manches courtes sont des articles bon marché, fabriqués en grande quantité. Le fait de rater une opportunité n’existe pas, d’où aucune envie irrépressible, aucune pulsion révélatrice d’un comportement maladif. Haruki Murakami habitué à cultiver les vertus de l’intériorité, ose enfin s’épancher, exprimer le bonheur qui l’habite ou l’habille et s’adresse au lecteur comme s’il était à ses côtés, dans la confidence. Cet ouvrage cartonné, papier glacé qui dégage douceur et chaleur, ressemble à une sorte de catalogue, celui de son « musée » personnel.