Du Pape entraîné en enfer par Lucas Cranach l’Ancien, 1521, aux affiches et tee-shirts de Trump en monstre zombie de Mc Connell, 2016, la dénonciation traverse les siècles : celle de la pratique scandaleuse de la papauté des indulgences qui consiste à remplacer les pénitences par des versements d’argent (construction de la basilique Saint-Pierre de Rome) et celle qui traduit le sentiment d’apocalypse suite à la victoire de Trump aux présidentielles.Affiches, photographies, photomontages, gravures, couvertures de revues, cartes postales, badges, graffitis, banderoles et tracts... d’une page à l’autre, la même intensité de vie, le même élan créatif comme spontané en réaction à l’événement. Une vague déferlante sans ressac.
Mise en lumière des atrocités, misères et désastres de la guerre par Jacques Callot, Goya, à la suite du coup d’État de Franco (femmes et enfants victimes des bombardements de la Légion Condor de Goering comme à Guernica), intervention américaine au Vietnam (Non à la mauvaise haleine : un Oncle Sam verdâtre sur fond de drapeau US, dans sa bouche une pluie de bombes sur un village).Jeux de massacre à la manière du Dîner de têtes de Prévert sur les cartonnés officiels : Reagan tenant dans ses bras la Dame de Fer Thatcher (complices dans la course aux armements) comme Clark Gable et Vivien Leigh dans le film Autant en emporte le vent ; Tony Blair brandissant un fusil d’assaut et casqué d’une tasse de thé pour son implication en Irak. Plus virulents furent les photomontages de John Heartfield : Goering en boucher muni d’un hachoir sanglant, radio du buste d’Hitler dont l’œsophage et l’estomac sont constitués de pièces de monnaie (Parti nazi financé par les grands industriels, accord passé en 1932).
Femmes et hommes debout
Combats contre la ségrégation raciale et l’apartheid, solidarité avec le peuple palestinien, mouvements de libération gay,mobilisation pour l’égalité des droits et lutte contre les violences faites aux femmes : la Vénus de Botticelli portant les marques d’attouchement de mains d’hommes et des séquelles de coups. Chaque œuvre est un acte salutaire indéniablement politique pour dissiper les illusions, enrayer la machine oppressive. Vaccin contre la morosité et la résignation, non consentement au monde tel qu’il est, tel qu’il va mal, appel à la dissidence. Les artistes lèvent la réalité comme le levain gonfle la pâte et font le pari pour un engagement long, une fidélité à l’avenir.
La contestation politique, les mouvements sociaux, ainsi portés à leur plein feu par les images, ont connu des vagues successives tout au long des siècles se sont appuyés sur des modes d’intervention variés, réponses avivant sans cesse l’invention : satire, pastiche ironique, gravité enjouée et pétrie de malice qui, légèreté apparente, ne manque pas sa cible, humour grinçant ou corrosif, puissance d’invective, de passion et de fureur vengeresse, horreur pure. La fermeté de leur argumentation, soutenue par un sens exacerbé du concret, n’a d’égal que leur pouvoir de percussion. Et les rébellions qui ne reculent pas devant la défaite ne peuvent pas être abattues.L’art contestataire bien étudié par les historiens de l’art a trop longtemps été traité de manière marginale par les autres disciplines des sciences sociales.Liz McQuiston, directrice du département d’arts graphiques au Royal College of Art de Londres, établit toujours le lien entre les expressions visuelles utilisées et les formes d’opposition, de résistance critique et physique, de contre-offensive et de lutte. Lucides et agissantes manifestations d’un bienfaisant virus.