Un personnage sans nom composé de boules bleues se plaint d’en perdre sans cesse. Son médecin l’envoie en cure sur le « Plateau » où il rencontre d’autres patients. Celui en gris n’a plus de volume, il est tout plat, celui en mauve, corps en cylindres et tête sphérique, est déjà venu pour ses tubes encrassés, il connaît le chemin. À l’entrée, des hommes-marteaux analysent les données des consultants. Au Plateau, sur six niveaux, se pratique une thérapie singulière dans des palais, temples et sanctuaires énigmatiques : Remords, Honte, Regrets, Culpabilité, Rage et Oubli. D’une structure à l’autre, ils sont reçus par des gourous, des mentors en spiritualité et des prêtresses. Le parcours de nos deux souffreteux, le bleu et le mauve devenus amis, n’a rien d’une sinécure. Comme leur santé détraquée continue de décliner, il faut faire vite, surmonter les obstacles, traverser des paysages qui se métamorphosent. Descente aux enfers ou avancée salvatrice ? Crainte d’être incurable ? Vaincre ses hantises, se ressaisir et reprendre possession de soi.
Drôles de trames
On a affaire à des personnages désincarnés, ramenés à des assemblages géométriques, à des décors et horizons pixellisés qui stimulent le nerf optique du lecteur. L’association d’images insolites, de couleurs claires en aplats, de bulles en 3 D prenant l’aspect de cubes, cylindres et autres volumes, offre une expérience de lecture à nulle autre pareille. Langage d’une société machiniste comme si l’être humain était mis en équation, comme s’il était déjà entré dans un monde d’algorithmes, un monde quadrillé qui sectionne, emprisonne, réprime (zones de non-droit, de lancement de scuds), un monde capable de créer n’importe quel mirage (l’épouse en boules jaunes de l’homme bleu est un leurre, un virus). Chaque planche est un territoire graphique étonnant. Les amateurs d’œuvres atypiques en feront leur miel, les autres, en y goûtant, risquent (quelle chance) d’être séduits.
