Littérature

L’éternel retour de Jean Meckert

par PIERRE GAUYAT
Publié le 20 janvier 2020 à 11:10

> L’éditrice Joëlle Losfled reprend, après quelques années d’interruption, la réédition des œuvres de Jean Meckert dans la collection Arcanes, avec Nous avons les mains rouges, paru initialement en 1947. Ce roman, préfacé par Hervé Delouche et Stéfanie Delestré, directrice de la Série Noire, rejoint les six premiers textes édités entre 2005 et 2008 dans la même collection, dont un inédit, La Marche au canon.

Nous avons les mains rouges se situe dans l’immédiat après-guerre, quelque part dans les Alpes. Laurent vient de quitter la maison d’arrêt où il purgeait une peine pour meurtre quand il rencontre d’Essartaut, propriétaire d’une scierie qui cherche des âmes perdues à remettre dans le droit chemin. D’Essartaut est aussi un ancien résistant frustré que les espoirs portés par la Libération n’aient pas pleinement tenu leurs promesses. Refusant de baisser les armes, avec quelques camarades de Résistance, il continue le combat contre les collabos et les trafiquants qui prospèrent comme sous l’Occupation. Ces opérations clandestines finissent par lui coûter la vie. Dès lors, le groupe dont il était la tête pensante va se fracturer et se retourner contre Laurent, l’élément étranger, le Parisien, celui par qui le scandale arrive. L’amitié que lui manifeste Hélène, la fille aînée de d’Essartaut, et l’amour naissant que lui porte Christine, sa jeune sœur sourde et muette, ne pourront le sauver.

Dans ce roman, Meckert brosse de superbes portraits de femmes fières et fortes, qui ne s’en laissent pas compter. Et, paraphrasant Victor Hugo, on pourrait écrire que « déjà John Amila perçait sous Jean Meckert », tant ces personnages et l’intrigue annoncent ceux que l’on retrouvera quelques années plus tard dans ses romans de la Série Noire, dont il sera l’un des piliers pendant plusieurs décennies.

Les amateurs de Meckert, et ils sont nombreux, retrouveront dans ce roman, qui avait déjà été réédité en 1993 par les éditions Encrage, les thèmes chers à l’auteur, comme le refus de l’injustice et de l’autorité, portés par une grande voix de la littérature sociale. Nous espérons que cette réédition en annonce d’autres, notamment les romans publiés par Gallimard dans les années 1940, devenus introuvables depuis bien trop longtemps.

Jean Meckert, Nous avons les mains rouges, éditions Joëlle Losfeld, collection Arcanes, 320 p., 12,8 €.