Dans un livre consacré aux liens interactifs entre cinéma et histoire, Alphonse Cugier analyse trois films réalisés par André Téchiné, Rainer Werner Fassbinder et Werner Schroeter mettant respectivement en scène les itinéraires de Berthe (Jeanne Moreau), Maria (Hanna Schygulla) et Vittoria (Christina Donadio) qui vivent en France, en Allemagne et en Italie dans la période d’après-guerre marquée par les difficultés de la reconstruction économique et l’image que renvoie le « rêve américain » auprès de femmes qui veulent sortir de la misère et saisir les opportunités d’ascension sociale.
Pour Georges Duby cité par Alphonse Cugier, « le rôle de l’historien ne consiste pas simplement à emmagasiner des faits mais aussi à infiltrer et explorer l’esprit des hommes du passé ». Ce peut être le rôle du cinéma dont le travail de mise en scène apporte des éléments à l’appréhension de l’environnement historique. La richesse de l’écriture cinématographique de Souvenirs d’en France, du Mariage de Maria Braun et du Règne de Naples et la puissance de séduction qu’elle libère délivrent une capacité d’émerveillement qui conduit à la réflexion.
C’est ainsi que le regard posé par les cinéastes sur les objets, les vêtements, mais aussi sur les signes d’ascension sociale ou de désespérance, sont autant d’éléments qui engagent le spectateur à faire le lien entre l’histoire intime vécue par Berthe, Maria et Vittoria et l’histoire des années post-guerre étudiée par les historiens. La petite histoire permettrait ainsi de vivre plus intensément l’Histoire en « sondant les âmes », en faisant « vaciller les certitudes », en « sollicitant les ressources narratives pour éclairer ce qui n’a pas laissé de trace » et en s’adressant au grand public qui pourrait éprouver le désir d’aller plus loin dans la connaissance historique.
Le titre choisi par Alphonse Cugier - La fiction cinématographique, cheval de Troie de l’Histoire - est révélateur d’une réflexion qu’il mène depuis de nombreuses années sur les rapports entre cinéma et histoire et qu’il offre aux lecteurs dans un ouvrage riche en analyses sur la forme et le contenu des films qu’il a choisis. Ces analyses pourraient s’appliquer à de nombreux films récents évoquant l’environnement sociopolitique actuel.
Un second ouvrage est en cours d’écriture qui étudie des films fondés sur des traces de l’Histoire : documents d’actualités, extraits de fictions, témoignages, photographies, cartes postales, émissions de radio, musiques, chansons et danses.
Alphonse Cugier a été professeur d’histoire au lycée Faidherbe de Lille, puis maître de conférences à l’Université de Lille III jusqu’en 2000. Il a simultanément tenu les chroniques Cinéma et Arts plastiques de Liberté Hebdo.
